Influence de la distance et du marquage d'aire sur le

0 downloads 0 Views 1MB Size Report
en secouant rapidement son abdomen d'un côté à l'autre, puis, elle décrit un demi- ..... 4. Au niveau collectif, les fourmis sont-elles capables de choisir entre deux ..... selection of a path occurred in very few cases (Table 1: 2 cases out of 11 ...... since Lasius niger does not transport Aphis fabae (El-Ziady & Kennedy, 1956) ...
UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES Faculté des Sciences Service d'Eco-Ethologie Evolutive

Influence de la distance et du marquage d'aire sur le recrutement alimentaire de la fourmi Lasius niger

Thèse présentée en vue de l'obtention du grade de Docteur en Sciences

Cédric Devigne Octobre 2003

Promoteur: Dr. Claire Detrain

"Celui qui n'essaie pas Ne se trompe qu'une seule fois Prends ton virage Tourne moi la page" V. Sanson.

Tables des matières

INTRODUCTION GENERALE

11

ACQUISITION INDIVIDUELLE OU COLLECTIVE DE L'INFORMATION 1. Sources personnelles d'information 2. Le concept d'information publique 3. Le concept de centres d'informations PARTAGE DE L'INFORMATION ET RECRUTEMENT CHEZ LES INSECTES SOCIAUX QUELLE INFORMATION TRANSMETTRE ? INFLUENCE DE LA CONNAISSANCE DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA DISTANCE AU NID SUR LE RECRUTEMENT ALIMENTAIRE DES FOURMIS OBJECTIFS

11 11 12 13 14 17 18 21

CHAPITRE 1. EXPLORATION COLLECTIVE ET MARQUAGE D'AIRE CHEZ LA FOURMI LASIUS NIGER.

25

SUMMARY INTRODUCTION Collection and rearing of colonies Experimental procedure.

26 27 28 28 29

Collective exploration of new areas Role of area marking

29 29

METHODS

RESULTS Collective exploration of new areas Role of area marking DISCUSSION ACKNOWLEDGMENTS

31 31 33 35 37

CHAPITRE 2. LOIN DES YEUX MAIS PAS LOIN DU CŒUR : MODULATION DU RECRUTEMENT EN FONCTION DU MARQUAGE DU DOMAINE VITAL CHEZ LES FOURMIS SUMMARY INTRODUCTION METHODS Rearing of ant colonies Experimental procedure Data analysis : RESULTS Foraging time parameters Trail-laying behaviour of individual scouts

41 42 43 44 44 45 48 48 48 50

Ants returning straight to the nest Ants making U-turns

50 52

Global trail amount over the set-up

53

DISCUSSION Discovery of food resources Exploration vs. food exploitation Transmission of information to nestmates AKNOWLEDGMENTS

54 55 55 56 58

CHAPITRE 3. DISTANCE DES SOURCES DE NOURRITURE : EVALUATION ET EFFETS SUR LE COMPORTEMENT D'AFFOURAGEMENT DE LA FOURMI LASIUS NIGER

61

SUMMARY INTRODUCTION METHODS Rearing of ant colonies Experimental procedure Data analysis : RESULTS Foraging times Trail-laying behaviour DISCUSSION Differences of foraging times due to distance. Collective exploitation vs. individual exploitation Tuning recruitment according to distance: what is the cue? Ecological implications ACKNOWLEDGEMENTS

62 63 64 64 65 68 68 68 72 77 77 77 78 80 81

CHAPITRE 4. POIDS DE LA MODULATION DU COMPORTEMENT DE DEPOT DE PISTE DES FOURRAGEUSES SUR LE CHOIX COLLECTIF DU CHEMIN LE PLUS COURT CHEZ LASIUS NIGER SUMMARY INTRODUCTION METHODS. Experimental rearing Experiments of collective choice and quantification of trail-laying behaviour Models of selection Function of choice Fixed parameters The distance parameter Trail-laying behaviour

RESULTS Experiments of collective choice Theoretical results from simulations 30/30cm set-up 30/60cm set-up 30/120cm set-up

DISCUSSION

85 86 87 88 88 88 89 89 91 91 92

93 93 95 95 96 97

98

CHAPITRE 5. DEPLACEMENT SPATIO-TEMPOREL DES COLONIES DE PUCERONS ET FOURRAGEMENT DE LA FOURMI LASIUS NIGER SUMMARY INTRODUCTION METHODS RESULTS

DISCUSSION AKNOWLEDGMENTS DISCUSSION ET CONCLUSIONS Exploration et connaissance collective de l'environnement Influence de la familiarité avec l'environnement sur le recrutement alimentaire Influence de la distance entre les sources et le nid sur le recrutement alimentaire Perspectives

107 108 109 110 111 115 116 121 121 123 125 127

REFERENCES

131

RESUME

153

INTRODUCTION

"Dear Sir or Madam will you read my book? It took me years to write, will you take a look?" J. Lennon & P. McCartney

Introduction générale / 11

Introduction générale

Au cours de son existence, un animal doit faire face à de nombreux impératifs pour survivre. Il doit limiter les aléas dus à l'instabilité de son environnement, éviter les situations risquées liées à la compétition ou à la prédation tout en se nourrissant et en assurant sa reproduction. Pour répondre à ces contraintes, l'animal doit évaluer de manière efficace les situations auxquelles il est confronté. Par exemple, pendant la recherche d’un abri ou d’une source de nourriture, il doit pouvoir estimer au mieux de multiples facteurs environnementaux tels que la taille de l’aire, celle du nid, la productivité de la source, la fréquentation de la zone par d'éventuels compétiteurs ou prédateurs, et ce afin d'ajuster au mieux sa réponse. Pour cela, les animaux peuvent se baser sur des indices qu'ils acquièrent par eux-mêmes mais ils peuvent également se baser sur l'observation des comportements de leurs congénères ayant les mêmes besoins et étant confrontés aux mêmes problèmes qu'eux. Dans les sociétés animales, l'estimation des caractéristiques de l'environnement au niveau individuel est relayée par la transmission et le partage de cette information entre les membres de la société. Cette coopération se doit d'être suffisamment efficace pour qu'un consensus émerge au niveau collectif et que la société effectue des choix adaptés.

ACQUISITION INDIVIDUELLE OU COLLECTIVE DE L'INFORMATION

1. Sources personnelles d'information Lors de l'exploration de leur environnement, les animaux ont accès à deux sources personnelles d'informations complémentaires. La première est l'utilisation, par les animaux, de leurs expériences passées ("prior" or "pre-harvest" information, Valone, 1991). Il s'agit notamment d'informations concernant la distribution des ressources dans l'environnement (McNamara & Houston, 1980) ou la mémoire de sites de nourriture fréquemment renouvelés (Valone, 1991). Il a été montré chez de nombreuses espèces que les individus mémorisent et retournent préférentiellement dans une zone où ils ont déjà trouvé de la nourriture avant d'entamer une nouvelle session de recherche (e.g. chez les rats : Olton et al., 1981 ; chez les moineaux :

12 / Introduction générale

Caraco, 1983 ; chez les fourmis : Harrison & Gentry, 1981). Chez les fourmis, pour la recherche de nourriture, certaines espèces vont utiliser leur expérience passée et retourner à l'endroit où elles ont déjà eu une récompense. Ce simple critère permet de limiter les coûts de recherche dans des environnements où les ressources sont renouvelables ou importantes (Cataglyphis bicolor : Wehner et al., 1983 ; Pachycondyla apicalis : Fresneau, 1985 ; Formica aquilonia : Cosens & Toussaint, 1985). L'utilisation de l'expérience passée est particulièrement pertinente dans des environnements stables et peu fluctuants qui favorisent ce genre de stratégie prédictive. Par contre, dans des environnements plus changeants, une mise à jour régulière des informations est nécessaire (Kacelnik et al., 1987). La seconde source d'information individuelle de l'animal est l'acquisition d'éléments à propos du site au moment même de son exploration et de son exploitation ("patch sample information", Valone, 1991). Cette évaluation réalisée par l'animal peut lui permettre, par exemple, de savoir quand retourner à une source de nourriture renouvelable ou quand quitter un site qui s'appauvrit (e.g. marginal value theorem : Charnov, 1976 ; McNair, 1982 ; Kacelnik, 1984, or e.g. scalar timing models : Bateson, 2003). Généralement,

l'animal

combine

ces

deux

sources

d'informations

personnelles pour évaluer la qualité d'un site (McNamara & Houston, 1980 ; Stephens & Krebs, 1986 ; Cuthill & Kacelnik, 1990 ; Giraldeau, 1997 ; Valone, 1991).

2. Le concept d'information publique En plus de l'acquisition individuelle de l'information, certains animaux peuvent bénéficier de la vie en groupe et par conséquent obtenir des informations sur l'environnement. En effet, le concept d'information publique développé par Valone (1989) stipule que les animaux peuvent, par l'observation des succès et échecs de leurs congénères, augmenter la rapidité et l'efficacité de leur évaluation de la qualité d'un site d'affouragement ou de reproduction (revue dans Valone & Templeton, 2002). L'individu réduirait les coûts d'évaluation de paramètres environnementaux en s'appuyant sur le comportement des autres. Par exemple, les étourneaux sansonnets, Sturnus vulgaris (Templeton & Giraldeau, 1996) et les becs croisés rouges, Loxia curvirostras (Smith et al., 1999) se nourrissant à un site se basent sur les échecs de leurs congénères pour quitter cette zone moins productive

Introduction générale / 13

plus rapidement que s'ils se basaient uniquement sur leur évaluation personnelle. Ce concept d'information publique a été démontré pour de nombreuses activités : l'affouragement (Templeton & Giraldeau, 1996), le choix d'un site de reproduction (Boulinier & Danchin, 1997 ; Danchin & Wagner, 1997 ; Doligez et al., 2002), le choix d'un partenaire (Gros-Louis et al., 2003 ; Nordell & Valone, 1998) ou encore l'évaluation d'un compétiteur (Johnsson & Akerman, 1998).

3. Le concept de centres d'informations L'utilisation d'informations provenant de congénères est particulièrement développée dans les groupes d'animaux nichant dans un même lieu et constituant ainsi de véritables centres d'informations (Ward & Zahavi, 1973 ; Krebs & Davies, 1993). Ce concept suppose que la centralisation de l'information au niveau d'une nichée ou d'un troupeau permet à chaque individu du groupe de maximiser son propre succès en profitant de l'information apportée par les membres du groupe. Les centres d'informations sont en fait des lieux où l'information publique est privilégiée parce qu'il y a regroupement des individus. Cette stratégie se rencontre chez les animaux coloniaux qui n'échangent pas activement des informations mais qui utilisent l'information provenant incidemment de leurs voisins pour leur propre compte (De Groot, 1980 ; Galef & Wigmore, 1983 ; Galef, 1991). La stratégie des centres d'information et de suivi des individus à succès a été démontrée chez de nombreuses espèces, comme le balbuzard pêcheur, Pandion haliaetus (Greene, 1987) où les individus décollent souvent au retour d'un congénère ayant eu du succès et prennent la direction d'où il venait (également chez les hirondelles, Hirundo pyrrhonota, voir Brown, 1986; et 1988 et chez le carouge à tête jaune, Xanthocephalus Xanthocephalus, voir Gori, 1988). L'utilisation des informations issues de congénères et le suivi des individus à succès présentent des avantages à court et à long terme (Caraco, 1981 ; Clark & Mangel, 1984 ; Lachmann et al., 2000). D'une part, à court terme, cette stratégie augmente l'efficacité de découverte de nourriture des fourrageurs sans succès (Rabenold, 1987 ; Heinrich, 1988; Wilkinson, 1992 ; Marzluff et al., 1996) et permet, grâce à la récolte en groupe, de diminuer les risques de prédation (Elgar, 1989 ; Roberts, 1996 ; Lima & Bednekoff, 1999). D'autre part, cette stratégie a également des avantages à long terme, puisqu'en accord avec la théorie de l'altruisme réciproque (Trivers, 1971),

14 / Introduction générale

l' "informateur" d'un jour peut devenir l' "informé" des jours suivants (Krebs & Davies, 1993 ; Marzluff et al., 1996). Le partage de l'information est supposé être un facteur ayant favorisé le maintien de groupes et l'évolution vers des niveaux plus élevés d'organisation (Lachmann et al., 2000). Cette hypothèse de centre d'information reste néanmoins controversée (Bayer, 1982 ; Mock et al., 1988). Certaines espèces n'adoptent pas cette stratégie puisque dans les groupes d'affouragement d'hirondelles, Hirundo rustica ou de sternes, Sterna sandvicensis avec meneuses et suiveuses, ces dernières ne sont pas forcément des hirondelles infructueuses (Hebblethwaite & Shields, 1990 ; Götmark, 1990). De plus, la grande instabilité des groupes d'animaux due à la mobilité de ses membres limite l'application de la réciprocité (Houston, 1993 ; Enquist & Leimar, 1993 ; Marzluff et al., 1996 ; Danchin & Richner, 2001). Il semble donc que la stratégie des centres d'informations, avec ses différents avantages, n'est pas suffisante pour permettre la généralisation de cette stratégie à tous les groupes d'animaux (Beauchamp, 1999 ; Dall, 2002). Par ailleurs, la stratégie des centres d'informations peut-être fortement liée au contexte environnemental : une même espèce peut d'une part adopter la stratégie du partage de l'information dans un environnement pauvre où toute information d'un congénère peut faciliter la découverte de la nourriture et d'autre part privilégier des stratégies alternatives

plus

individuelles

dans

des

environnements

riches

("local

enhancement", ou l'hypothèse des centres de recrutement : Richner & Heeb, 1995 ; Buckley, 1997 ; Dall, 2002).

PARTAGE

DE

L'INFORMATION

ET

RECRUTEMENT

CHEZ

LES

INSECTES SOCIAUX Si dans les centres d'informations, il n'y a pas de coopération active et volontaire des membres du groupe pour le transfert de l'information, il n'en est pas de même dans les sociétés animales telles que les sociétés d'insectes (Seeley, 1985 ; Adler & Gordon, 1992). Ainsi, la coopération dans le traitement de l'information chez les insectes sociaux implique la prise de décision collective qui intègre les informations venant de multiples individus prospecteurs (Franks et al., 2002 ; Seeley & Buhrman, 1999 ; Seeley, 2003). Après la découverte d'une source de nourriture, les ouvrières des colonies d'abeilles ou de fourmis sont capables de transmettre des informations utiles sur la qualité et la localisation d'une source de

Introduction générale / 15

nourriture en effectuant des recrutements dont la forme varie selon les espèces (von Frisch, 1967 ; Hölldobler & Wilson, 1990). Chez les abeilles, l'information à propos de la source de nourriture est transmise de manière très précise aux congénères par les danses des butineuses rentrant à la ruche (von Frisch, 1967 ; Seeley, 1995). Sur les rayons de la ruche, l’abeille effectue une danse en rond ("round dance") si la source est proche de la ruche (moins de 50 mètres) et une danse frétillante en 8 ("waggle dance") si la source est plus éloignée. Lors de cette danse frétillante, la recruteuse réalise d’abord un court trajet rectiligne en secouant rapidement son abdomen d'un côté à l'autre, puis, elle décrit un demicercle qui la ramène à son point de départ, refait le trajet rectiligne en secouant de nouveau son abdomen et décrit un nouveau demi-cercle symétrique au premier et ainsi de suite pendant quelques secondes. Grâce à cette danse, la recruteuse donne

deux

indications

principales pour retrouver la nourriture: (i) sa direction et (ii) sa distance par rapport à A

la ruche. (i) L'angle formé entre l'azimut du soleil et la direction de la source de nourriture est codé par l'angle formé par la direction du trajet rectiligne de la danse avec l'azimut du soleil si la danse est effectuée dans un plan

B

horizontal (Figure 1A) ou avec la verticale si la danse est réalisée dans un plan vertical (Figure Figure 1. Alcock, 1993

1B)

(von

Frisch,

1967). (ii) La distance qui sépare la source de nourriture

de la ruche est transmise par différents paramètres de la danse. Ainsi, le ralentissement du rythme de la danse et l'allongement de la durée de la danse indiquent une distance de la source plus élevée (Dyer, 2002). Outre la danse, des

16 / Introduction générale

études montrent que d'autres facteurs comme la chaleur de l'abdomen (Stabentheiner, 1996 ; Schmaranzer, 2000 ; Stabentheiner, 2001), l'odeur de la source véhiculée par les recruteuses (Wenner & Johnson, 1967 ; Wenner et al., 1969 ; Kirchner & Grasser, 1998) ou encore les vibrations de l'abdomen (Michelsen et al., 1992 ; Nieh, 1998) pourraient également être des sources d'informations concernant des sites ou des sources découverts, surtout chez les espèces effectuant leur recrutement à l'obscurité, dans la ruche. Chez les fourmis, la transmission de l'information se fait également par le biais d'un recrutement réalisé par les colonies dans des contextes aussi variés que l'alarme, la recherche d'un site de nidification ou la recherche de nourriture (revue dans Hölldobler & Wilson, 1990). Il existe divers types de recrutement variant dans le degré de coopération des membres de la société et en fonction de l'espèce (Fig. 2).

Figure 2. Passera, 1984

Le recrutement en tandem ("tandem running") n'implique que deux individus puisque la recruteuse invite une seule congénère à la suivre jusqu'à la nourriture (e.g. Leptothorax acervorum, Dobrzanski, 1966). Le recrutement de groupe implique un nombre limité d'ouvrières ; en effet, la recruteuse invite dans le nid par émission

Introduction générale / 17

d'une phéromone et/ou par stimulation tactile, plusieurs congénères à la suivre (e.g. Tetramorium impurum, Verhaeghe, 1982). Enfin, le recrutement de masse est adapté aux grandes sociétés avec une force ouvrière importante (e.g. Lasius niger, Beckers et al., 1989; Lenoir, 1979 ; Lasius neoniger, Traniello, 1983 et 1987) ; ce type de recrutement est caractérisé par le dépôt d'une piste chimique entre la source et le nid par une recruteuse. Cette piste suffit, à elle seule, à susciter la sortie du nid des ouvrières et le suivi de la piste jusqu'à la source découverte. Outre cet effet recruteur, la piste chimique est un moyen pour la recruteuse de donner à ses congénères des informations quant aux caractéristiques de la source découverte. En effet, les recruteuses ont la possibilité de moduler leur dépôt de piste en fonction de la qualité de la source (de Biseau et al., 1992 ; Beckers et al., 1993), de la quantité de nourriture (Mailleux et al., 2000) et du type —protéiné ou sucré— de la source (Portha et al., 2002).

QUELLE INFORMATION TRANSMETTRE ? Idéalement, les animaux devraient transmettre une information précise et exhaustive à leurs congénères concernant le type de nourriture, sa localisation ainsi que les paramètres environnementaux (température, humidité, …etc.). Cependant, les limites cognitives et sensorielles des animaux les contraignent le plus souvent à une information locale et partielle. On peut avancer l'idée que la maximisation de l'information n'est pas forcément nécessaire et que dans la plupart des cas les animaux peuvent acquérir une connaissance fiable de leur environnement en se basant sur des critères simples mais pertinents. Ainsi, plusieurs études montrent que les insectes sociaux peuvent transmettre une information qui n'est pas maximale mais qui est fonctionnelle et adaptée dans de nombreuses situations. Chez les fourmis et les abeilles, les décisions collectives sont le résultat de l'intégration d'informations provenant d'une multitude d'individus aux capacités cognitives relativement limitées (Bonabeau et al., 1996 ; Camazine et al., 2001 ; Franks et al., 2002). Une société d'insectes est en effet capable d'ajuster son comportement en fonction des caractéristiques de l'environnement sans pour autant nécessiter une complexité comportementale de ses membres. En effet, le choix d'un site par la colonie ne nécessite pas que les exploratrices comparent tous les sites à disposition (par exemple, chez les abeilles : Seeley & Towne, 1992 ; Camazine et

18 / Introduction générale

al., 1999 ; Seeley, 2003, chez les fourmis : Pratt et al., 2002 ; Franks et al., 2003). A ce jour, de nombreuses études ont montré que pour de nombreuses activités, les ouvrières se basent sur des critères de décision que l'on peut qualifier d'"intelligents", dans la mesure où ils intègrent incidemment de nombreuses caractéristiques de l'environnement (chez les abeilles : Seeley, 1989 et 1995, chez les guêpes sociales : Jeanne, 1996 et 1999 et chez les fourmis : Detrain et al., 1999a ; Detrain & Deneubourg, 2002 ; Franks et al., 2002). Chez les fourmis, l'évaluation des ressources découvertes est réalisée de façon efficace par l'utilisation de clés simples et la transmission des caractéristiques de la source se fait en fonction de cette estimation. Ainsi, les fourmis exploratrices de l'espèce Pheidole pallidula se basent sur la résistance de la proie au transport pour estimer sa taille et moduler leur intensité de recrutement afin d'allouer le nombre d'ouvrières adéquat à son exploitation sur place et/ou son transport vers le nid (Detrain & Deneubourg, 1997). De la même manière, une règle simple de comportement individuel chez Lasius niger est de déposer une piste de recrutement uniquement quand l'individu a pu boire la quantité de nourriture désirée (Mailleux et al., 2000). Cette règle suffit pour ajuster de façon optimale le nombre d'ouvrières recrutées en fonction de la productivité de la source de nourriture découverte (Mailleux et al., 2003b). Les fourmis sont donc capables de moduler leur recrutement en fonction des caractéristiques de la source de nourriture découverte en se basant sur l'utilisation de critères simples et efficaces (revue dans Detrain et al., 1999a ; Detrain & Deneubourg, 2002).

INFLUENCE DE LA CONNAISSANCE DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA DISTANCE AU NID SUR LE RECRUTEMENT ALIMENTAIRE DES FOURMIS L'acquisition de l'information, au cours de l'exploration, pendant la recherche de nourriture ou pendant son exploitation, permet aux sociétés d'insectes d'accroître leur connaissance de l'environnement entourant leur site de nidification. C'est pourquoi, leurs comportements vont varier en fonction de leur niveau de connaissance de l'aire parcourue. Or, chez les espèces affourageant à partir d'un

Introduction générale / 19

site de nidification central, ce degré de connaissance diminue avec l'éloignement. Par conséquent, la connaissance du milieu ainsi que la distance par rapport au nid sont deux facteurs intimement liés pouvant influencer les comportements d'affouragement des ouvrières, et donc, les décisions collectives de la colonie. La connaissance d'une zone de l'environnement peut se faire de nombreuses manières chez les fourmis. Comme nous l'avons vu, certaines espèces ont des ouvrières spécialisées dans une zone bien délimitée de l'aire entourant leur nid. Chaque fourmi possède donc une bonne connaissance de sa zone d'exploitation fondée notamment sur des repères visuels (Pachycondyla apicalis : Fresneau, 1985). Cependant, pour exploiter une zone de l'environnement plus efficacement, beaucoup d'espèces de fourmis marquent chimiquement le substrat environnant leur nid afin de reconnaître la zone comme leur appartenant et de "signaler" leur présence à leurs compétiteurs. Il existe trois types de marquage, chacun étant défini en fonction de l'endroit où il est déposé et du degré de défense de la zone marquée (Hölldobler & Wilson, 1990). Le marquage territorial définit une zone comme appartenant spécifiquement à la colonie et qui est activement défendue par celle-ci (e.g. Oecophylla longinoda : Hölldobler, 1979a et 1979b). Le marquage de l'entrée du nid signale les abords du nid comme appartenant à la colonie et aide les ouvrières dans l'étape finale du retour au nid (e.g. Myrmica rubra et Tetramorium : Cammaerts & Cammaerts, 1999 et 2001). Enfin, le marquage du domaine vital ("home-range") définit la zone comme connue par la société mais qui n'est pas activement défendue par celle-ci. Il n'induit un comportement de défense que vis-àvis d'individus hétérospécifiques (e.g. Cataglyphis cursor, Pheidole pallidula ou Tetramorium : Mayade et al., 1993 ; Cammaerts & Cammaerts, 1996 et 2000). Le niveau de connaissance de l'environnement est très logiquement lié à la distance au nid. En effet, chez les animaux affourageant à partir d'un site de nidification central, l'activité de la colonie est moindre en périphérie, et donc, l'environnement moins connu des membres de la société. Cette distance est un paramètre imposant des contraintes temporelles et énergétiques à la colonie. Les fourmis revenant de sites éloignés dépenseront plus d'énergie pour ramener la nourriture au nid et recruter des congénères et mettront plus de temps pour faire le trajet. L'évaluation de la distance et sa transmission sont dès lors importantes. Si les mécanismes

20 / Introduction générale

d'orientation reposant sur les repères visuels, célestes et sur la lumière polarisée sont bien documentés (Muller & Wehner, 1988 et 1994 ; Wehner, 1992), les modalités d'estimation de la distance sont, quant à elles, encore inexpliquées. L'hypothèse de l'estimation de la dépense énergétique corrélée à la distance parcourue a été rejetée (Shäfer & Wehner, 1993) ainsi que celle prenant en compte la mesure du flux optique (Ronacher et al., 2000). Bien que le moyen par lequel les fourmis évaluent la distance parcourue soit encore inconnu, de nombreuses études montrent qu'en fonction de la distance, les stratégies de récolte des fourmis varient pour une même espèce. De ce fait, certaines espèces granivores sont plus sélectives et prennent des graines de plus grosses tailles quand elles ont parcouru de grandes distances (Pogonomyrmex rugosus : Davidson, 1978). La distance au nid peut également impliquer des délocalisations de zones de recrutement. Par exemple, chez Paraponera clavata, les ouvrières fourrageant dans la canopée des arbres, loin du nid, effectuent des recrutements extra-nidaux pour diminuer les temps de récolte grâce à une arrivée plus rapide de fourmis recrutées (Fewell et al., 1992). Chez d'autres espèces de fourmis, le degré de coopération des ouvrières varie avec la distance. A de longues distances, les fourmis présentent un comportement plus individualiste en privilégiant leur prise alimentaire au détriment de la communication aux membres de la société. Ainsi dans les zones plus éloignées du nid, les fourmis augmentent leur temps de résidence (Veromessor pergandei : Rissing & Pollock, 1984 ; P. clavata : Breed et al., 1996), leur temps de boisson (Lasius fuliginosus, L. niger et Myrmica ruginodis : Bonser et al., 1998) et diminuent par contre leur intensité de recrutement (Solenopsis geminata : Taylor, 1977 ; Pogonomyrmex rugosus : Hölldobler, 1976 ; P clavata : Fewell et al., 1992). A l'opposé, pour des sources situées à proximité du nid, les fourmis favorisent une exploitation collective en diminuant leur temps de récolte (P clavata : Breed et al., 1996) et en accentuant leur recrutement (S. geminata : Taylor, 1977 ; P clavata : Fewell et al., 1992 ; Camponotus rufipes : Fowler, 1993). L'impact de la distance et de la connaissance du milieu sur les comportements individuels et collectifs de récolte des fourmis reste donc une question largement

Introduction générale / 21

ouverte. De même, les modes d'évaluation de ces paramètres par les fourmis exploratrices restent à élucider.

OBJECTIFS Afin de comprendre si la distance peut avoir une implication dans les stratégies de récolte de Lasius niger et si la connaissance du milieu grâce à un marquage chimique permet de favoriser l'exploitation de sources de nourriture nouvellement découvertes, nous avons tenté de répondre aux questions suivantes: 1. Comment les colonies de Lasius niger acquièrent-elles une connaissance de leur environnement ? La connaissance de leur environnement est-elle liée à un marquage chimique de type marquage d'aire (home-range marking) ou de type territorial ? 2. Dans quelle mesure le marquage chimique d'une aire et dès lors la connaissance du milieu influencent-ils les comportements des fourmis lors du recrutement alimentaire ? 3. Les fourmis exploratrices adaptent-elles leur comportement de recrutement en fonction de la distance au nid des ressources ? Quel est le critère direct ou indirect d'évaluation de cette distance ? 4. Au niveau collectif, les fourmis sont-elles capables de choisir entre deux sources situées à des distances différentes du nid et dans quelle mesure, peut-on lier ces décisions collectives aux comportements individuels des ouvrières ? 5. Quelle est la pertinence écologique de ces observations expérimentales ? Celles-ci sont-elles confirmées par des observations menées en milieu naturel ? Ces cinq questions constituent les thèmes principaux des cinq chapitres de ce travail.

CHAPITRE 1

"Melt with your minds Melt with each other Don't be surrounded Don't be so alone"" Offspring

Chapitre 1. Exploration et marquage d'aire chez Lasius niger / 25

CHAPITRE 1. Exploration collective et marquage d'aire chez la fourmi Lasius niger.

La fourmi Lasius niger explore collectivement de nouvelles aires d'affouragement. Les éclaireuses sont mobilisées dans les 5 premières minutes d'exploration puis l'activité de la colonie diminue progressivement pour se stabiliser après 40 minutes. Les choix collectifs de chemins observés sous-tendent l'existence d'un recrutement chimique lors de l'exploration. Pour identifier le caractère territorial du marquage exploratoire, nous avons examiné son influence sur le comportement agonistique des ouvrières pendant des rencontres intra-spécifiques. Dix fourmis d'une colonie et dix autres fourmis issues d'une colonie étrangère étaient mises en confrontation dans une boîte de Petri: (i) sur un papier filtre marqué par leur propre colonie, (ii) marqué par la colonie étrangère ou (iii) vierge de tout marquage. Le marquage d'aire semble augmenter l'agressivité des fourmis. Cependant, les résidentes (fourmis sur leur marquage) et les intruses montrent un niveau d'agressivité similaire. Comme nous n'avons pas observé de spécificité coloniale dans le déclenchement de l'agression, le marquage exploratoire de Lasius niger semble être plutôt un marquage du domaine vital (ou "home-range") qu'un véritable marquage territorial. En conclusion, nous discutons du rôle de l'exploration collective, du marquage du "home-range" et des interactions intra-spécifiques dans la structuration et l'utilisation de l'environnement avec les colonies voisines de Lasius niger.

26 / Chapitre 2. Affouragement chez les fourmis et marquage du "home-range"

Collective exploration and area marking in the ant Lasius niger C. Devigne and C. Detrain Insectes Sociaux, 49 (2002) 357-362.

SUMMARY The aphid tending ant species, Lasius niger collectively explore new areas. Scouts are mobilised within the first five minutes of exploration with activity thereafter decreasing and stabilising after 40 minutes. Collective path choices of colonies underline the existence of chemical recruitment and area marking during exploration. To identify the territorial or home-range role of exploratory marking, we examined its influence on agonistic behaviour during intraspecific encounters. Ten nestmates and ten alien conspecifics were confronted: (i) on a paper marked by their own colony, (ii) on a paper marked by the alien colony or (iii) on a paper not chemically marked by ants. Residents and intruders showed a weak level of aggression and behaved similarly whatever the type of area marking. As no colony-specificity was observed in the odds of eliciting aggression, exploratory area marking in Lasius niger seems to be rather a home-range than a true territorial marking. We discuss the role of collective exploration, home-range marking and intraspecific interactions in the structuring and use of foraging space by neighbour Lasius niger colonies.

Chapitre 1. Exploration et marquage d'aire chez Lasius niger / 27

INTRODUCTION Exploration by scouts allows ant societies to achieve vital activities such as the discovery of food resources or the detection of competitors. Exploration is also a means for ants to improve and update their general knowledge of the nest surroundings. Exploration relies at the individual level on learning processes (e.g. memorisation of visual cues) but also at the collective level, on chemical area marking by scouts. Indeed, scouts can lay actively or passively chemical compounds that define the colony territory or home range (Cammaerts et al., 1977; Hölldobler & Wilson, 1977a; Jaffe & Puche, 1984; Jaffe & Sanchez, 1984). These chemical marks determine, at least partially, where individuals settle, how long they stay and how they react during agonistic encounters or competition for resources. Such changes of behaviour can give an edge to foraging ants when competition for resources occurs (Hölldobler, 1976; Hölldobler & Wilson, 1977b; Mercier et al., 1997). Strictly speaking, territorial marks are colony-specific compounds used to identify the terrain as belonging to the colony and as being subject to defence against intra- and interspecific intruders (Hölldobler & Wilson, 1990). Territorial defence does not necessarily mean strong aggressive behaviour and killing as it can simply imply displacing another from an area. Less than 17% of ant species reviewed by Levings and Traniello (Levings & Traniello, 1981) actively defend the entire space they use, territories being most often limited to the nest and/or the feeding places (Brown & Orians, 1970). Besides chemical marking, encounters between neighbouring colonies can also determine the boundaries of their respective foraging ranges as seen in the harvester Pogonomyrmex ants (Gordon, 1992; Gordon, 1995b; Gordon & Kulig, 1996). Among the ecological consequences of territoriality are spatial patterns of nest distribution (Caroll & janzen, 1973; Hölldobler, 1976; Bernstein & Gobbel, 1979; Levings & Franks, 1982; Traniello & Levings, 1986; Ryti & Case, 1986; Gordon & Kulig, 1996) and/or patterns of foraging trails that direct ants of adjacent nests into diverging directions (Hölldobler, 1976; Hölldobler & Lumsden, 1980; Hölldobler & Möglich, 1980; Traniello, 1989). In contrast to territorial marking, home-range marking labels areas that the colony knows to be hospitable and available for foraging but does not defend against intra

28 / Chapitre 2. Affouragement chez les fourmis et marquage du "home-range"

and interspecific intruders (Hölldobler & Wilson, 1990). Indeed, several ant species visually and/or chemically perceive that they are on their home-range without exhibiting aggressive behaviour towards intruders (e.g. Pogonomyrmex (Hölldobler, 1976); Myrmica rubra (Cammaerts et al., 1977); Solenopsis geminata (Jaffe & Puche, 1984), Polyrhachis laboriosa (Mercier et al., 1997)). The home-range perception influences the individual behaviour of ants by improving their orientation (Fourcassié, 1986; Cammaerts & Cammaerts, 1987; Fourcassié & Beugnon, 1988; Wehner, 1992), by increasing their moving speed (Cammaerts & Cammaerts, 1996) or by enhancing the intensity of recruitment (Hölldobler, 1976). Home-range perception is hence one of the key factors that shape the global use of space by a colony. Here we will study the exploration behaviour of the aphid-tending ant Lasius niger when confronted with new foraging areas. Since Lasius niger is assumed to lay chemical marks during exploration (Yamaoka & Akino, 1994), we will investigate whether such marking actually occurs and whether it influences collective patterns of exploration. We will examine the colony specificity of exploratory marking and its influence on agonistic behaviour during intraspecific encounters. This will lead us to identify the territorial or home-range role of exploratory marking in Lasius niger. Ultimately, we will discuss the impact of area marking on between-colony interactions within ant communities.

METHODS

Collection and rearing of colonies Ten colonies of Lasius niger with about 500-1000 individuals were collected in Belgium (Brussels) and in France (Proisy). They were reared in the laboratory within plaster nests (20x20cm) divided into three connected lodges. Nests were placed in plastic trays (48x34x7.5cm) the sides of which had been coated with Fluon to prevent ants escaping. The nest plaster was moistened twice a week. Room temperature was kept at 23 ± 2°C. Colonies had a permanent access to a sugar

Chapitre 1. Exploration et marquage d'aire chez Lasius niger / 29

solution (1M) and water, and were fed with dead cockroaches (Periplaneta americana) once a week.

Experimental procedure.

Collective exploration of new areas Nine colonies of Lasius niger were starved for three days, and then allowed to reach two separate foraging areas by a Y-shaped cardboard bridge. The two branches of the bridge were 30cm length (1cm wide) and were separated by a 30° angle. In order to prevent orientation bias due to the use of visual cues, we surrounded the whole experimental set-up with a 50cm high opaque enclosure. The Y-shaped bridge was chosen because it allowed us to evidence, with a higher accuracy, amplifying processes such as recruitment depending on the perception of chemical marks by ants. The existence of chemical marks laid by ants and their influence on collective decisions during exploration were assessed by observing the distribution of workers over each branch of the bridge. For thirteen experiments, the number of individual ants outgoing were counted at the bifurcation point of the bridge during fifteen minutes after forty five minutes of exploration of exploration of the new areas. A branch was considered as selected when the binomial test concluded that a significantly higher number of workers followed that branch (0.05 level of significance). Besides, in order to draw the global dynamics of the exploration, we measured in seven experiments the flows of individual ants outgoing during the whole one hour exploration.

Role of area marking Eight colonies of Lasius niger had access for six days, via a cardboard bridge (30cm length), to a foraging platform (10x10cm) covered with a piece of filter paper (9cm diameter) that scouts could chemically mark during their exploration. After six days of acclimatisation, 10 ants were confronted with 10 conspecifics from another colony within a Petri dish of which the surface was covered with the filter paper, putatively marked chemically by the ants. We allowed ants of each subgroup to calm down by keeping them separated for five minutes in two bottomless

30 / Chapitre 2. Affouragement chez les fourmis et marquage du "home-range"

cylinders (2cm diameter, 4cm height) placed on the surface of the Petri dish. The cylinders were then removed and the behaviour of ants were video-recorded for one minute. Preliminary experiments showed that longer lasting observations of five minutes led to similar conclusions than those lasting one minute. Ten Lasius niger ants were confronted with ten alien conspecifics in one of these three conditions: (i) on paper marked by their own colony, (ii) on paper marked by the alien colony or (iii) on paper not chemically marked by ants. One experimental series of these three conditions was carried out during the same day, with conditions being tested in random order. Each colony was used only for one experimental series and groups of tested ants were changed between successive experiments. Experimental series were replicated four times. For each ant, we measured the absolute distance covered during one minute, the number of encounters and the number of agonistic behaviour. We considered an ant as showing agonistic behaviour when it bit or tried to bite another ant. We quantified vigorous back-and-forth jerkings of the body which are characteristic behaviour of workers involved in tournaments between neighbour conspecific colonies (Czechowski, 1984). We also measured the duration of encounters between either nestmates or foreigners in additional experiments (n=9) of paired confrontations over unmarked and marked areas. To limit potential bias due to the aggregation of ants close to the Petri dish walls, these behaviour were quantified in a smaller circle (7cm diameter) centred in the middle of the Petri dish. The number of ants present in this smaller circle was quantified every ten seconds during the whole experiment. The speeds of ants in the different experimental conditions were compared using ANOVA tests. Fisher's exact test was used to compare the observed probability for an ant to encounter an intruder with that expected from random. The proportion of aggressive encounters and jerking behaviour between experimental conditions were compared using χ² tests and if a difference was observed, a Tukey-type multiple comparison was used to point out significant differences between groups.

Chapitre 1. Exploration et marquage d'aire chez Lasius niger / 31

RESULTS

Collective exploration of new areas As soon as a nest was connected to a new foraging area, a flow of exploring ants was observed over the bridge. The peak flow of ants was reached in the first five minutes of exploration at approximately 100 ants/5min (Fig. 1). During the one hour of exploration, the flow of ants progressively and significantly decreased, stabilising after 50 min at around 60 individuals/5 minutes (Fig. 1, Paired ANOVA test; p0.2). This suggests that exploratory marks somewhat influence the rate of foreign encounters and trigger among ants their interest in assessing the force of alien conspecifics. Whatever the area marking, ants straightforwardly recognized their nestmates: aggressiveness between nestmates during encounters was nil and nestmate contacts lasted significantly shorter than those with foreigners (1.7s ± 1.1 (SD) N=224 and 9.4s ± 13.2 (SD) N=247 respectively; Mann-Whitney’s test U=7597, p0.5) or with a foreigner (Table 2, χ²=2.82 ; p>0.2). We also noticed that for each marking condition, the percentage of jerking behaviour was significantly higher during inter-colonial encounters than during intra-colonial ones (Fisher's test; p0.05 and p0.17), this confirms that a 15min time interval between two observations was sufficient for the behaviour of scouts to be independent of each other. All ten colonies were allocated at least once to the two treatments. As regards the time frame, the experiment lasted between 3 and 4 hours. The maximal duration was fixed at 4 hours or ended as soon as the sixth scout was observed. Some ants could accidentally fall from the bridge before reaching the nest. These were more numerous in the unmarked set-up due to their meandering path (see results). Since

48 / Chapitre 2. Affouragement chez les fourmis et marquage du "home-range"

we did not get all time parameters nor trail-laying behaviour for those ants, we removed them from the analysis.

Data analysis : In most cases, the conditions of normality (checked with KolmogorovSmirnov's test) and/or homoscedasticity (checked with Levene’s test) were not met: data were then statistically compared using non-parametric tests. For each of the two set-ups, the evolution of global marking along successive bridge sections was compared using Friedman's test and Dunn's test for multiple comparisons. Moreover, between set-ups analyses of global marking and time data were carried out using Mann-Whitney's test. Changes along the bridge in the percentage of trail-laying ants were tested using a Cochran's test followed, if significant, by multiple comparisons as described in Zar (Zar, 1996). Between set-ups comparisons were made using Fisher exact's test for the percentage of trail-laying ants. Due to the normality of their data distribution, individual intensities of trail-laying were compared using a Student's t test with Welch correction.

RESULTS

Foraging time parameters Home-range marking significantly influenced the discovery time of the platform area. On an US, the time spent to discover the area lasted twice longer than on a MS (Table 1). Indeed, ants behaved quite differently on an area devoid of any home-range marks as they walked more sinuously from one side to the other of the bridge and seemed to walk more slowly with a higher number of U-turns ( X ± SD = 1.12 ± 2.25; NUS = 51) than over a marked set-up (0.64 ± 1.67, NMS = 87;

Chapitre 2. Affouragement chez les fourmis et marquage du "home-range" / 49

Mann-Whitney U test, U = 1757, p0.05). This indicates that previous exploratory trips and familiarization with the environment in which the set-up is placed has no significant influence compared to that of home-range marking on the behaviour of scouts.

Table 1: Duration of foraging activities (in seconds) of scouts as a function of exploratory area marking

Unmarked (US)

Marked (MS)

(median and the quartiles)

(median and the quartiles)

N = 56

N = 97

Statistics

Time to discover the area

30.5

(13 - 85)

16

(11 - 25)

U = 1847, p0.05, * = p0.05, * = p0.5), there was no bias due to some preferential orientation of ants in the set-up. Even at the end of the exploitation hour, the proportions of right and left selection were equal and represented around 40% of experiments in each case (Fig. 1). In the 30/60cm set-up, at the beginning of the experiments, the long branch was selected at the same rate than the short one (Fig. 1. 37.5% vs. 43.75 respectively. Fisher exact test, n=16, NS). Although selection of the long branch was frequent in 30/60cm set-up at the start of experiments (Fig. 1. 37.5%), the proportion of long branch choice strongly decreased at the end of the hour of recruitment since no more than 13% of experiments still showed the choice of the long branch (Fig. 1).

94 / Chapitre 4. Modulation du pistage et choix collectifs

n = 28

Choice of the left branch No choice

60

Choice of the right branch

50 40 30 20 10 0 0 - 15 min.

45 - 60min

a n = 16

% experiments

50

Choice of the long branch No choice Choice of the short branch

40 30 20 10 0 0 - 15 min.

45 - 60min

b Choice of the long branch

100

n = 16

No choice Choice of the short branch

80 60 40 20 0 0 - 15 min.

45 - 60min

c Figure 1. Percentage of colonies showing a choice or not of a branch during the first and the last 15minutes of the hour of experience. a: 30/30cm set-up, b: 30/60cm set-up and c: 320/120cm set-up

Chapitre 4. Modulation du pistage et choix collectifs / 95

Hence, it seems that a wrong choice of long branch at the onset of recruitment could be progressively redirected during recruitment and could lead to a more even distribution of ants over the two branches. When the difference in distance between the two branches of the bridge was high, the selection of the shorter branch was strongly marked from the start of recruitment. In the 30/120 set-up, in more than 60% of experiments, the shorter branch was selected from the onset of recruitment (Fig. 1. Fisher exact test, n=16, p