La Belle Lisse Poire du prince de Motordu - CNDP

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La Belle Lisse Poire du prince de Motordu. Un dessin animé d'Alain Jaspard ( 1999), adapté par Gille Gay des albums de Pef, coproduit par. Storimages, France ...
teledoc le petit guide télé pour la classe

2006 2007

La Belle Lisse Poire du prince de Motordu Le prince de Motordu mène une belle vie dans son chapeau, et il joue aux tartes dans la salle à manger. Mais voilà Un dessin animé

qu’un jour ses parents viennent le trouver et lui disent

d’Alain Jaspard (1999),

qu’il faut qu’il se marie… Les célèbres personnages créés

adapté par Gille Gay

par Pef revivent leurs aventures dans un dessin animé qui

des albums de Pef,

respecte le graphisme des albums et écorche toujours aussi

coproduit par Storimages, France 3

joyeusement les mots de notre langue française.

et Canal J. 52 min

Tiji DIMANCHE 10 DÉCEMBRE, 17 h 05

Mots tordus Maîtrise de la langue, cycles 1 et 2, sixième L’œuvre de Pef est déjà bien connue des enseignants. Ses livres ont eu, depuis plus de vingt ans, les faveurs du public scolaire. Ce dessin animé adapte trois de ses ouvrages les plus célèbres qui mettent en scène le prince de Motordu : Le Prince de Motordu, La Belle Lisse Poire du prince de Motordu et Motordu papa. Cette trilogie est fondée sur le procédé du « mot tordu », qui est en outre l’un des thèmes centraux de ces récits : le fils du prince va-t-il se décider à être digne de sa lignée et parler en langue Motordu ? La princesse Dézécolle va-t-elle lui faire perdre l’usage de cette langue ou va-t-elle au contraire s’y adonner à son tour ?

Rédaction Maguy Chailley, maître de conférences à l’IUFM de Versailles, et MarieClaude Charlès, maître formateur à l’IUFM de Versailles Crédit photos D.R. Édition Anne Peeters et Émilie Nicot Maquette Annik Guéry Ce dossier est en ligne sur le site de Télédoc. www..cndp.fr/tice/teledoc/

Jeux de mots, jeux d’images

> Comprendre la langue de Motordu et étudier les liens établis par les adaptateurs entre le jeu de mot et l’image. • Jeux de mots. On invitera les enfants à décrypter la langue Motordu, d’une part en repérant les «mots tordus» et d’autre part en retrouvant les mots qu’ils remplacent. Avec les élèves de cycle 2, les mots transformés seront fournis, ils devront en rechercher les mots d’origine en fonction du contexte. Les élèves du cycle 3 (ou de sixième-cinquième) relèveront pendant le visionnage quelques mots ou expressions tordus. Ce qui aura été collecté servira de point de départ à une recherche sur les procédés utilisés par Pef pour aboutir à cette paronymie : le changement d’une lettre, soit au début du mot (pâture à la place de rature, vache à la place de tache), soit à l’intérieur du mot (bienaidée à la place de bien-aimée, château porc à la place de château fort); l’ajout d’une lettre dans le mot: désert se transforme en dessert; l’utilisation d’homophones : pattes et pâtes, murs et mûres, maux et mots. Ce recensement de paronymes s’enrichira bien sûr à la lecture des albums. On classera ces procédés en fonction de leur fréquence. À partir de toutes ces observations, on demandera aux élèves de transformer un court texte en utilisant les procédés repérés. • Jeux d’images. Deux cas de liens entre jeux de mots et images peuvent être observés. – Chaque fois que les mots tordus sont mis en images, il est intéressant de le faire observer aux enfants. Par exemple, lorsque le prince de Motordu demande à la princesse Dézécolle si elle veut bien « l’épousseter » (l’épouser) et qu’elle répond par l’affirmative, on la voit épousseter le prince avec un bouquet de fleurs. Le jeu de mots est ici pris à la lettre et traduit en images. Quelques autres exemples: patins à poulettes, j’en tombe salade, il a de vilains moutons. On proposera aux élèves, au cours du visionnage, de demander un arrêt sur image chaque fois qu’ils auront observé une telle illustration du mot tordu. L’image fera alors l’objet d’une description. – Quand l’image « joue » toute seule. À deux ou trois reprises dans le dessin animé, une illustration de l’album présentée sur une page se trouve développée et amplifiée dans une scène beaucoup plus longue qui reprend des détails de l’image en les animant de manière plus autonome. C’est le cas, par exemple, de la scène de la « salle à

dangers » (salle à manger) où une double page de l’album se transforme en une série de plans qui passe en revue tous les dangers qu’on peut rencontrer dans cette pièce. Beaucoup d’objets fantaisistes apparaissent dans le dessin animé, le plus souvent en lien avec un mot tordu: par exemple, un râteau à voiles, un pot de confiture de murs. On proposera aux élèves d’imaginer et de dessiner d’autres objets de ce genre et constituer ainsi un catalogue des «objets tordus». À cette occasion, la référence au célèbre Catalogue des objets introuvables se révélera profitable (voir «Pour en savoir plus»).

Comparaison avec les albums

> Discerner les rajouts et les différences apportées par l’adaptation en dessin animé par rapport aux albums. • De l’album au dessin animé. La comparaison se fera, soit en cycle 3 avec les trois petits albums publiés par Gallimard Jeunesse (coll. « Folio Benjamin »), soit en cycle 2 avec l’album géant publié également par Gallimard Jeunesse (coll.«Les bottes de sept lieues»), album que l’on utilisera au cours du visionnage en tournant les pages au fur et à mesure du visionnage. Les principales modifications portent sur le rajout de personnages qui vont contribuer à la dramatisation du récit. La famille Curcuma, prototype des méchants, intervient ainsi pour s’opposer aux projets du prince, un chat au contraire vient l’aider à la réalisation de ses projets. Par ailleurs s’opère un glissement d’événements rapportés dans le troisième album (Motordu papa) vers le début du récit qui correspond au premier album (Le Petit Motordu): nous assistons au début du dessin animé à la fin de la grossesse de la reine et à la naissance du prince alors que dans Motordu papa, il s’agissait de la grossesse de la princesse Dézécolle et de son accouchement. Dès le début du dessin animé, une scène familiale permet aux deux enfants du prince de Motordu de lui réclamer le récit de sa rencontre avec leur mère. Toute l’histoire sera ponctuée de ces retours réguliers à cette scène familiale. Nous avons donc un narrateur (le prince de Motordu) qui parle à la première personne. Ce n’était pas le cas dans les albums. La lecture par les élèves des albums de référence les conduira à mettre en évidence les rajouts de personnages et à découvrir la fonction de ces rajouts : allonger le récit, le dramatiser, etc. Ils comprendront ainsi les rôles contrastés de ces

nouveaux personnages: adjuvants ou opposants. Afin de faciliter cette découverte, on fractionnera le visionnage du film et on demandera, à chaque séquence visionnée, de vérifier si ces scènes se trouvent dans les albums. Du troisième album, il ne reste que quelques fragments dans le tout début du dessin animé : ce choix fera aussi l’objet d’interrogations. Pour faciliter la mise en évidence, on proposera de réaliser une sorte de frise chronologique qui récapitulera tous les événements contenus dans le dessin animé. Sous chacun de ces événements, les enfants placeront le titre de l’album qui le contient. Par ce procédé vont apparaître d’une part les rajouts aux albums, et d’autre part les inversions d’événements. • L’intertextualité. La famille Curcuma et ses interventions dans l’histoire renvoient à des schémas narratifs bien connus des enfants lecteurs de contes : les « méchants », dotés de pouvoirs magiques, qui ne sont pas invités à la fête de la naissance, mais qui s’y imposent tout de même; le sort jeté au nouveau-né... La fille du prince de Motordu souligne elle-même cette parenté en évoquant un sommeil de mille ans et prédit l’arrivée d’une princesse qui, embrassant le nouveau-né, mettra fin au maléfice. Mais ces pistes-là sont très vite désamorcées: «Mes parents ne croyaient pas aux maléfices. » Et il suffit qu’ils n’y croient pas pour que le charme cesse d’agir. On retrouvera aussi des allusions à d’autres récits. Par exemple, dans la scène du défi d’Astragon et du combat du prince pour sauver la princesse, où l’on repérera des références à d’autres œuvres cinématographiques, en film ou dessin animé : Tarzan, Lucky Luke, Bioman, films de cape et d’épée (Les Trois Mousquetaires, Le Bossu), westerns et charge de cavalerie, etc. Enfin, on trouvera des références à des combats de jeux vidéos et à des parcours dans des labyrinthes virtuels. La recherche proposée aux élèves pourra donc être double. Il s’agira de distinguer tout ce qui, dans ce dessin animé, les renvoie aux contes traditionnels, de tout ce qui en fait un conte « moderne » (les jeux vidéo, le paiement en euros, la caméra de surveillance...).

Une adaptation en dessin animé

> Distinguer les procédés propres au dessin animé et plus particulièrement la bande-son. • Le générique. Il fournit à la fois par les images et le son des indications sur le genre de récit auquel on va avoir affaire. Les enfants pourront y repérer

tout ce qui préfigure le côté farfelu et fantaisiste de l’histoire. On relèvera le style rap de la chanson. • La bande-son et la musique. On observera le traitement des voix, en particulier l’opposition entre celles de la famille Curcuma (glapissantes et agressives) et celles de la famille Motordu (beaucoup plus douces et chaleureuses). L’accompagnement musical tient parfois une place particulière, surtout lorsque l’action prend le pas sur le comique de situation et des jeux de mots. Citons par exemple la scène de la fugue du prince, durant laquelle la musique contribue à faire monter l’angoisse. La poursuite de la princesse enlevée par son cousin Astragon repose beaucoup sur des allusions sonores à des films de cape et d’épée ou aux courses-poursuites des westerns (avec sonnerie de la charge à la trompette). Un air langoureux au violon accompagne l’évocation par la reine du premier baiser qu’elle a donné à son futur mari. Le générique de début (musique rap) souligne la modernité du conte et du public, tandis que celui de fin (cha-cha) souligne l’aspect ancien de l’événement final (mariage du prince et de la princesse). • Les images de l’école et des enseignants. À plusieurs reprises apparaissent des représentations, tantôt parodiques, tantôt caricaturales, toujours humoristiques, de l’école et de ses acteurs : lors des scènes qui se passent en classe, lors du défilé des institutrices au château ou encore lors de la « veillée » préparatoire à l’entrée du prince à l’école. On relèvera une série de ces portraits d’enseignants (des caricatures?) et on demandera si l’école présentée ici est différente de celle que les enfants connaissent. ■

Pour en savoir plus • Le dessin animé est adapté d’albums publiés chez Gallimard Jeunesse, soit en petit format (Quatre Belles Lisses Poires du prince de Motordu, coll. « Folio Benjamin », 2000), soit sous la forme d’un album géant, La Belle Lisse Poire du prince de Motordu (coll. « Les bottes de sept lieues »). • Gallimard Jeunesse propose une fiche pédagogique (PDF, 305 ko) pour exploiter les albums. http://www.gallimard-jeunesse.fr/medias/pdf/motordu.pdf • CARELMAN, Catalogue d’objets introuvables, Le Cherche-Midi, 1997.

Une question à Pef Un enfant : Où avez-vous trouvé cette inspiration ? Pef : Quand j’étais petit, ma maman, c’était la princesse Dézécolle. C’était en 1947. Chaque matin, comme j’habitais dans une école, c’était moi qui allais ouvrir la porte de l’école à mes copains. Ils m’attendaient de l’autre côté de la grille. Et tous les matins, ils me posaient une question : « Alors, c’est ouvert ? » Et un jour, j’ai répondu : « Non, c’est tout bleu. » Et ils ont ri bêtement. Mais moi, du haut de mes 7 ans, je me suis dit que j’avais gagné une bataille extraordinaire : j’avais réussi à faire rire des enfants plus âgés que moi ! C’était le premier jeu de mots qui m’a fait remarquer que le vocabulaire, ça pouvait se déformer. Et c’est dans ces souvenirs d’enfance que j’ai puisé les idées du prince de Motordu. Propos recueillis en 2000 au Salon du livre pour la jeunesse de Montreuil.

D’un château l’autre Plans rapprochés

Nous analysons ici plus en détail deux séquences du dessin animé qui utilisent des procédés totalement absents des albums. Ces procédés sont très spécifiques au cinéma : le montage parallèle ou montage alterné, puis la multiplication des points de vue sur une même scène.

Le procédé du montage alterné est utilisé lorsque Astragon, déçu que Motordu refuse de lui céder le livre prêté par la princesse Dézécolle, rentre chez lui désespéré et, avec l’aide de ses parents, jette un sort à la princesse. Pendant ce temps, tout à la joie d’aller enfin à l’école, le prince Motordu se prépare matériellement et psychologiquement à cet événement. On passe donc, alternativement, de scènes au château de Motordu à des scènes au château de la famille Curcuma. Le château de Motordu est présenté sous le soleil et paré de couleurs vives. On y pénètre avec le prince qui expose à ses parents son projet d’aller à l’école et d’épouser l’institutrice. Ses parents s’en réjouissent et évoquent à la fois les difficultés et avantages du métier. Leurs voix y sont agréables et bienveillantes [1]. Le château des méchants cousins est plongé dans une ambiance nocturne, sous l’orage, avec des oiseaux noirs qui s’envolent. Les couleurs sont sombres (violet, brun, noir). Dans la grande salle du château règne une atmosphère de sorcellerie, rendue par la présence d’accessoires obligés : serpent, crapaud, marmite, cornues et alambic. Les voix sont glapissantes et agressives [2]. Les différents plans de cette séquence font donc passer de l’un à l’autre lieu. On observera ainsi les contrastes de couleurs, de décors, de sentiments exprimés, de tonalités de voix. On remarquera que ces scènes successives, s’il fallait en rendre compte dans un récit oral ou écrit, seraient reliées par des connecteurs temporels comme « au même moment », « pendant ce temps-là » ou « alors que ».

[1]

[2]

On trouve ce procédé sur un rythme très endiablé, dans la scène de la poursuite par Motordu, de la princesse enlevée par Astragon. On verra successivement cette scène de poursuite sous différents points de vue, enchaînés très rapidement : – des vues latérales de la poursuite qui se déroule de droite à gauche ; – des vues de la princesse à travers les jumelles du prince ; – des plongées très verticales ou obliques ; – des plans de la princesse du point de vue de ceux qui la poursuivent ; – des plans du prince de dos la poursuivant ; – des plans du prince du point de vue de celui qu’il poursuit. Attirer l’attention des élèves sur cette variété de points de vue et sur leur succession rapide permettra de les faire s’interroger sur le sens de ce genre de montage et l’effet qu’il produit sur le téléspectateur.