lecture : le roman de renart - Hachette

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LECTURE D'IMAGE : enluminure du Roman de Renart . .... Voici quelques vers en ancien français et leur traduction en français moderne : Se or vos volïez taisir,.
Roman 6Le de Renart

Séquence

Repères – Le Roman de Renart . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172

Textes et images – EXTRAIT 1 : « Un maître ès ruses » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174 – EXTRAIT 2 : « Renart prend le seau et le lui attache à la queue… » . . 176 – EXTRAIT 3 : « Il aperçoit une mésange perchée sur un chêne » . . . . . 179 – EXTRAIT 4 : « Sire, pitié pour mon mari » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182 – EXTRAIT 5 : « Il voit venir le limaçon, la lance au poing » . . . . . . . . . . 184 – LECTURE D’IMAGE : enluminure du Roman de Renart . . . . . . . . . . . . . . . 186

Prolongements : lecture, oral

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Outils de la langue – GRAMMAIRE : les compléments circonstanciels ; les fonctions liées au verbe : sujet, COD, COI, COS ; les reprises nominales et pronominales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190 – ORTHOGRAPHE : accords sujet/verbe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193 – CONJUGAISON : le présent et le passé simple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193 – LEXIQUE : le lexique animalier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193

Évaluation : lecture, écriture – LECTURE : Le Roman de Renart : Renart et l’ours Brun . . . . . . . . . . . . . 194 – ÉCRITURE : raconter une ruse de Renart . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195

Autres lectures – TE NIR SON CA RNET DE L E CTURE : C. Missonnier, Une saison avec les loups 196 – CHOISIR UNE AUTRE LECTURE : si vous aimez les récits animaliers… . . . . 197 – MÉTHODE : préparer un dossier sur un animal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197

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Le Roman de Renart, pages d’un manuscrit du XIIIe siècle (BnF, Paris).

LIRE L’IMAGE

Pour commencer

1. Qu’est-ce qu’un manuscrit ? De quand celui-ci date-t-il ? Sous quelle forme se présente-t-il ? 2. a. Le texte est-il en vers ou en prose ? Quels sont les caractères utilisés ? b. Que représentent les enluminures (illustrations) ? c. Certaines lettres sont ornées. Lesquelles ? De quelle façon ? 3. Quel a été le travail du copiste ? de l’enlumineur ? du relieur ?

 Le renard : qu’évoque pour vous ce t a n imal ?  Le Roman de Re n a rt : à quel ge n re d ’ h i s to i revous at t e n d ez-vous ? D’a p rè s les enluminures du manuscrit ci-dessus, quels en sont les personnages ?

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Repères

Le Roman de Renart  Chronologie

∂ Illustration

(1909) de Benjamin Rabier ( 1 8 6 4 -1939) pour Le Roman du Re n a rd, éd. Tallandier, 1999.

Vers 1070 : La Chanson de Roland, première chanson de geste (ra co nte les exploits guerriers de personnages historiques). 1137-1180 : règne de Louis VII. 1147-1150 : deuxième croisade. 1170 : premières branches (épisodes) du Roman de Re n a rtpar Pierre de SaintCloud. 1180-1185 : romans de Chrétien de Troye s : Yvain, le Chevalier au lion ( ve r s 1180), Lancelot ou le Chevalier de la charrette (vers 1180)… 1180-1223 : règne de Philippe Auguste. 1250 : premiers fabliaux. 1270 : dernières branches du Roman de Renart.

Qu’est-ce que Le Roman de Renart ?

n a ge de Re n a rt apparaît dans toutes les branches : aucun auteur ne le fait mourir, laissant ainsi ouverte la possibilité d’inventer une nouvelle branche.

 On appelle Roman de Renart un ensemble de récits brefs écrits en langue romane (c’est-à-dire en ancien français, une langue int e r m é d i a i reent re le français et le latin) et en vers octo syllabiques (huit syllabes).  Les personnages principaux sont des a n i m a u x. Le héros est un goupil nommé Re n a rt. Le mot go upil désignait au Moyen Âge l’animal que nous appelons aujourd’hui renard. Le succès de l’œuvre a été tel que le nom pro p re Re n a rt ( é c r i t par la suite renard) est devenu un nom commun qui a remplacé le mot goupil.  Le Roman de Renart est constitué de vingt- s e p t épisodes indépendants, appelés b ranches,co m p osés par des auteurs diffé re nts à des époques différentes (de la fin du XIIe siècle à la fin du XIIIe siècle : de 1175 à 1250). L’ensemble compte env i ron vingtcinq mille vers. La branche la plus ancienne (branche II) date de 1175 environ; elle est l’œuvre d’un poète nommé Pierre de Saint-Cloud. Elle conte les pièges que tend Renart à Chantecler le coq, à la mésange (© extrait 3, p. 179), à Tibert le chat, à Ti é celin le corbeau, et se termine par le récit des mauvais traitements qu’il inflige à la louve Hersent, femme d’Ysengrin et à ses louveteaux. Cette branche est le point de départ de la « grande guerre » qui oppose Re n a rt à sa victime privilégiée, le loup Ysengrin (© extrait 2, p. 176).  Les autres branches ont été composées ensuite par des auteurs le plus souve nt a n o ny m e s.Le person-

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∂ Le Roman de Renart, Maître Renart préchant devant les deux poules et une oie, enluminure, vers 1310-1320 (The British Library, Londres, Grande-Bretagne).

Les auteurs et le public du Roman de Renart  La plupart des auteurs du Roman de Re n a rt sont probablement des c l e rc s, c’est-à-dire des hommes d’Église cultivés qui savaient écrire en vers.  Les épisodes du Roman de Renart é t a i e ntrécités ou lus à haute voix par des jongleurs (acteurs ambulants). Ils allaient de château en château ou d’auberge en auberge et se produisaient devant un public varié composé de seigneurs, de villageois, de riches bourgeois, d’artisans…

 L’orthographe des noms n’est pas fixée. Selon les adaptat i o n s,on t ro u ve par exemple écrits indifféremment Re n a rtou Renard ; Chanteclair, Chantecler ou Chant e c l e rc; Hermeline ou Ermeline ; Tibert ou Tybert ; Ysengrin, Ysangrin ou Isengrin…

Les personnages du Roman de Renart  Dans Le Roman de Re n a rt,le monde animal est à l ’ i m a ge du monde féodal : au sommet de la hiéra rchie se t rouve le roi Noble, le lion qui apparaît to ujours au milieu de ses baro n s : Renart, Ysengrin le loup, Brichemer le ce rf, Grimbert le blaire a u , Belin le mouton… – Le roi et la re i n e : Noble (le lion) ; Fi è re (son épouse). – Renart et sa famille:Renart (le goupil),Hermeline (son épouse, © ex t ra i t 4, p. 182), Pe rcehaie, Malebranche, Rovel (ses fils). – Les amis de Renart : Épineux (le hérisson) ; Grimbert (le blaireau). – Les principales victimes de Renart : Ysengrin (le loup), Hersent (son épouse), Brun (l’ours), Chantecler (le co q) , Pinte (son épouse), Coupée (sœur de Pinte), Co u a rd (le lièvre), Fro b e rt (le grillon), Pelé (le rat), Chauve (la souris, son épouse), Rousseau (l’écureuil), Tiécelin (le corbeau), Tibert (le chat). – Au t res personnage s : B a u ce nt (le sanglier), B e r n a rd (l’âne), Brichemer (le ce rf), Bruyant (le t a ureau), Fe r ra nt (le cheval), Petitpas (le paon), Ta rd i f (le limaçon, © ex t rait 5, p. 1 8 4).

∂ Illustration d’Auguste Vimar (1851-1916), Renart au milieu des siens (vers 1910), pour Le Roman de Renart, aquarelle (collection privée, Paris).

Un extrait du Roman de Renart  Voici quelques vers en ancien français et leur traduction en français moderne :

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Se or vos volïez taisir, Seignor, ja porïez oïr, S’estïez de bone memoire, Une partie de l’estoire Si con Renart et Ysengrin Guerroierent jusqu’en la fin. Se vos me prestés vos oreilles, Ja vos voldrai dire merveilles De Renart qui est vis maufés […].

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Si maintenant vous vouliez bien vous taire, seigneurs, vous pourriez entendre, avec un petit effort de mémoire, une partie de l’histoire qui conte comment Renart et Isengrin se firent la guerre à n’en plus finir. Si vous me prêtez une oreille attentive, je suis prêt à vous raconter des choses extraor[dinaires sur Renart qui est le diable en personne. Le Roman de Renart, branche X, « Renart trompe Roënel le chien et Brichemer le cerf », texte établi et traduit par J. Dufournet et A. Méline © éd. Flammarion.

2 Lire et repérer 1. Qui a écrit Le Roman de Re n a rt? À quelle époque ? 2. Donnez l’origine du nom commun renard. 3. a. L i s ez le t exte en ancien français. Relevez les mots qui riment. b. La traduction est-elle en vers ou en pro s e ? Présente-t-elle des rimes ?

4. a. Re l evez les mots qui ont co n s e rvé en fra nçais moderne la même forme qu’en ancien fra nçais. b. Re t ra d u i s ez le dernier vers (en sachant que « maufé » signifie diable, démon et que « vis » signifie vivant). 5. Qui est le principal ennemi de Renart ?

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La fiction animale Préparez votre lecture 1. Cherchez dans un ouvrage documentaire les principales caractéristiques du renard : physique, habitat, mode de vie, cri… 2. À quelles qualités ou défauts humains le renard est-il associé ? 3. Que signifie l’expression agir en catimini ?

Extrait 1 «

Un maître ès ruses »

l vaut mieux que je vous raconte une histoire qui vous fasse rire car je sais bien qu’en vérité, vous n’avez pas la tête à écouter un sermon1 ou une vie de saint. Ce dont vous avez envie, c’est de quelque chose de distrayant. Faites donc silence, car je suis en train et j’ai plus d’une histoire dans mon sac. Vous allez entendre une aventure qui en vaut la peine. On me prend souvent pour un fou, mais j’ai ouï2 dire à l’école : la sagesse sort de la bouche du fou. Inutile d’allonger l’entrée en matière ! je vais donc vous raconter sans plus tarder un des tours – un seul ! – d’un maître ès ruses3 ; il s’agit de Renart, ce n’est pas moi qui vais vous l’appre n d re. Personne n’est capable de le faire marcher alors que, lui, il envoie paître tout le monde; depuis son enfance, il suit le mauvais chemin. On a beau le connaître, on n’arrive jamais à échapper à ses pièges. Il est prudent, astucieux ; il agit en catimini. […] L’autre jour, démuni de tout et tenaillé4 par la faim, il était en quête de nourriture. À travers prés, labours et taillis 5, il va, misérable et furieux de ne rien trouver à manger pour son souper : mais il ne voit rien à se mettre sous la dent. Reprenant alors le trot, il gagne l’orée6 du bois où il s’arrête, bâillant de faim, s’étirant de temps à autre, tout maigre, décharné, et ne sachant que faire : c’est que la famine règne dans tout le pays. Ses boyaux se demandent bien dans son ventre ce que font ses pattes et ses dents. Torturé par la faim, il ne peut retenir des gémissements de détresse et de désespoir. « Mais à quoi bon attendre, là où il n’y a rien à pre n d re? » se dit-il. Sur ce, il parc o u rt tout un arpent7, sans ralentir, en suivant un sentier, ce qui l’amène à un chemin de traverse. Tendant le cou, il aperçoit dans un enclos tout près d’un champ d’avoine, une abbaye de moines blancs8 avec une ferme attenante9 qu’il décide de prendre pour cible. Elle était solidement construite avec des murs en pierre grise fort dure – vous pouvez m’en cro i re – et entourée d’un fossé aux bords escarpés : impossible de s’introduire dans un lieu si sûr pour y voler. Et pourtant, ce ne sont pas les victuailles10 qui y manquent ni en quantité ni en qualité. Quelle ferme alléchante, et dont

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1. sermon : discours prononcé par un prêtre. 2. ouï (verbe ouïr) : entendu. 3. ès ruses : en matière de ruses. 4. tenaillé : torturé (de tenaille, anciennement instrument de supplice). 5. labours et taillis : terres labourées et forêts de petits arbres. 6. orée : bord. 7. arpent : un arpent correspond à une superficie de 34 ares. 8. moines blancs : moines cisterciens (ordre de Cîteaux, développé par Bernard de Clairvaux) dont la robe était blanche. 9. attenante : qui touche l’abbaye, qui en fait partie. 10. victuailles : nourriture.

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Illustration (1909) de Benjamin Rabier (1864-1939) pour Le Roman du Renard, éd. Tallandier, 1999.

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11. chapon : jeune coq.

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beaucoup ignorent jusqu’à l’existence. Et justement elle re g o rge des mets préférés de Renart : poules et chapons11 engraissés à point. Il dirige donc sa course de ce côté, s’avançant au milieu du chemin, impatient de passer à l’attaque. Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche IV, « Ysengrin dans le puits », traduit de l’ancien français par M. de Combarieu du Grès et J. Subrenat © Union Générale d’Éditions.

2 Lire et analyser L’énonciation et la visée 1. a. Relevez les indices qui montrent que l’histoire était racontée à haute voix. b. I d e nt i f i ez le pronom par lequel le co nt e u r désigne le public auquel il s’adresse. c. Re l evez les ex p ressions par lesquelles le co nteur cherche à capter l’attention de l’auditoire. 2. Quelle est la visée du ré c i t ? Justifiez vo t re réponse en vous appuyant sur le texte.

Le cadre et la réalité médiévale 3. Re l evez les indications de lieu qui permett e nt de mettre en place le cadre dans lequel vont se dérouler les aventures de Renart. 4. Quels sont les éléments qui mont re nt que

 * Leçon La fiction animale

 Les co nteurs du Roman de Renart i nt ro d u i-

sent chacune des aventures de Re n a rt par une a d resse au public et une invitation à l’écoute.  Le Roman de Re n a rt est un récit de fiction animale : il met en scène des animaux personnifiés qui pensent, parlent et agissent comme des hommes.  Derrière la fiction animale transparaît la ré alité médiéva l e : les animaux, à l’image des hommes du Moyen Âge , souffrent de la faim :

l’action se passe au Moyen Âge ? Re l evez le champ lexical de l’abondance dans la description de l’abbaye. Cette abondance reflète-t-elle la situation économique du pays? Citez le texte.

Le personnage de Renart 5. Relevez dans les lignes 1 à 13 les termes et expressions par lesquels le conteur caractérise Re n a rt. 6. Quelle est la motivation qui pousse Renart à sortir de sa tanière ? Appuyez- vous sur un champ lexical. Reconstituez son itinéraire. 7. Quels sont les éléments du personnage qui renvoient au monde humain? Quels sont ceux qui renvoient au monde animal ? 8. Quelle image le conteur donne-t-il de Renart?

la quête de nourriture est leur préoccupation p re m i è re. Le cadre est celui de la campagne de l’Île-d e - Fra n ce, avec ses pra i r i e s, ses chemins de t rave r s e , ses forê t s,ses fermes et ses abbayes aux poulaillers garnis.  On y t ro u ve ce rtains re p ré s e nt a nts de la société rurale et monastique (riches pays a n s, fe r m i e r s,moines) ainsi que des ré fé re n ces à la vie campagnarde (salaison des jambons, préparation des fromages…).

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Les ruses de Renart : Renart et Ysengrin Préparez votre lecture 1. Recherchez l’origine et le sens des mots compère et commère au Moyen Âge. 2. Cherchez le sens des mots : vivier , barbeau.

Extrait 2 «

Renart prend le seau et le lui attache à la queue… » Renart fait croire au loup Ysengrin que s’il veut avoir à manger, il doit faire partie d’une communauté de moines et subir des épreuves : Renart lui a déjà infligé la tonsure (en lui ébouillantant le sommet du crâne), il le conduit ensuite juqu’à un étang gelé. était un peu avant Noël, à l’époque où l’on sale les jambons. Le ciel était clair et étoilé, et le vivier où Ysengrin devait pêcher était si gelé, qu’on aurait pu danser dessus. Il n’y avait qu’un trou que les paysans avaient fait, afin d’y mener chaque soir leurs bêtes batifoler1 et boire. Ils y avaient laissé un seau. C’est là que Renart arriva ventre à terre ; il regarda son compère : « Seigneur, dit-il, venez par ici ! Voilà une foule de poissons et l’inst rument avec lequel nous pêchons anguilles, barbeaux et autres beaux et bons poissons. – Frère2 R e n a rt, dit Ysengrin, prenez-le donc par un bout et attachez-le-moi bien à la queue ! » Renart prend le seau et le lui attache à la queue de son mieux. « F r è re, dit-il, il vous faut maintenant rester bien tranquille, pour faire venir les poissons. » Il file alors près d’un buisson, et se couche, le museau entre les pattes, de manière à voir ce que fait le loup. Ysengrin est sur la glace, le seau dans l’eau, rempli de glaçons jusqu’aux bords. L’eau commence à geler, à immobiliser le seau attaché à la queue. La queue est gelée dans l’eau et scellée à la glace. Le loup veut alors se relever et tirer le seau à lui. Il s’y essaie à plusieurs reprises, ne sait plus que faire, s’inquiète et se décide à appeler Renart. Car il ne peut plus se cacher : l’aube point3 déjà. Renart lève la tête, ouvre les yeux, regarde autour de lui : « F r è re, dit-il, laissez ce travail ! Allons-nous-en, mon cher ami ! Nous avons pris beaucoup de poissons. » Ysengrin lui répond alors en criant : « R e n a rt, il y en a tro p ! J’en ai pris plus que je ne saurais dire. »

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1. batifoler : s’amuser. 2. Frère : les deux personnages s’appellent l’un l’autre « frère » parce que Renart a fait croire à Ysengrin qu’il était moine. Quant à Ysengrin, il a l’intention de le devenir (voir chapeau). 3. point (verbe poindre) : apparaît.

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4. Qui tout convoite : celui qui veut tout. 5. vavasseur : seigneur de la petite noblesse. 6. cor : sorte de trompe pour appeler les chiens pendant une chasse. 7. découplent : détachent les chiens (tenus par deux en laisse).

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Renart éclate de rire et lui dit carrément : « Qui tout convoite4 perd tout ! » La nuit s’achève, l’aube point. C’est le matin, le soleil se lève. Les chemins sont blancs de neige. Monseigneur Constant des Granges, un vavasseur 5 assez riche, qui habite près de l’étang, se lève, en même temps que sa maisonnée, de fort bonne et joyeuse humeur. Il prend un cor6, appelle ses chiens, ordonne de seller son cheval, au milieu des cris et des encouragements de toute sa maison. Quand Renart l’entend, il s’enfuit et court se cacher dans sa tanière. Mais Ysengrin reste dans une triste situation, bien qu’il fasse mille eff o rts, tire et tire encore. Il manque même de s’arracher la peau. S’il veut se sortir d’affaire, il va lui falloir renoncer à sa queue ! Mais voici qu’au milieu de ces tentatives désespérées, survient un s e rviteur courant et tenant deux lévriers en laisse. Il aperçoit Ysengrin, complètement gelé sur la glace, le crâne pelé, et se précipite vers lui. Il le re g a rde mieux et se met à crier : « Holà ! Au loup ! À l’aide ! À l’aide ! » À ces cris, les chasseurs bondissent hors de la maison et franchissent la barrière avec tous leurs chiens. Ysengrin n’est pas à la fête, car derrière eux galope le seigneur Constant, hurlant: « Pied à terre! Lâchez les chiens ! » Les valets découplent7 les chiens, qui sautent sur le loup. Ysengrin en a le poil tout hérissé. Le chasseur excite et encourage violemment ses chiens. Mais Ysengrin se défend de toutes ses forces : il les mord à belles dents. Que peut-il faire de plus ? Il aurait bien préféré la paix ! Le seigneur Constant tire son épée, s’approche de lui pour bien frapper. Il descend de cheval et arrive près du loup sur la glace. Il l’attaque par-derrière, cherche à l’assommer, mais rate son coup. Il vise mal, tombe à la renverse, se blessant à la nuque. Il se relève à grand-peine et re p a rt violemment à l’assaut. Voici un bien terrible combat ! Il croit frapper à la tête, mais le coup tombe ailleurs: l’épée descend vers la queue, qu’elle coupe au ras des fesses. Constant n’a pas manqué son affaire, et Ysengrin qui l’a bien senti, saute de côté et détale, tout en distribuant force ∂ Illustration de Joseph Porphyre Pinchon m o r s u res aux chiens lancés sur (1871-1953), Ysengrin le loup a sa queue prise ses talons. Mais ce qui le contradans la glace (1930), pour les Aventures de Maître Renard, par G. Le Cordier, éd. Delagrave. rie violemment, c’est de laisser sa

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8. mâtins : chiens de garde ou de chasse.

queue en gage. Peu s’en faut que son cœur n’éclate de douleur! Il ne lui reste plus qu’à fuir jusqu’à une colline, dont il met la pente à profit pour se défendre. Les chiens ne cessent de le mordre, lui se démène courageusement. Cependant, arrivés au sommet de la colline, les mâtins8 épuisés s’avouent vaincus. Ysengrin s’enfuit, sans demander son reste, mais en regardant tout autour de lui, et il file droit vers le bois. Une fois là, il se fait à lui-même le serment de se venger de Renart et de lui vouer une haine éternelle. Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche III, « La pêche à la queue », traduit de l’ancien français par E. Charbonnier © Librairie Générale Française.

2 Lire et analyser Le cadre et la réalité médiévale

Renart et Ysengrin

1. a. À quelle saison et à quel moment de la journée l’action se déroule-t-elle ? b. Précisez les conditions météorologiques. c. Combien de temps s’é co u l e - t-il ent re le début et la fin de l’épisode ? Justifiez votre réponse. 2. a. Re l evez dans le t exte les éléments qui mont re nt que cette histo i re a pour cadre la campagne au Moyen Âge. b. Quelle est l’activité du vavasseur ? En quoi e s t-elle en rapport avec sa condition sociale ?

5. Re l evez les mots et ex p ressions qui montrent que Re n a rtet Ysengrin sont des animaux. En quoi se co m p o rt e nt-ils aussi comme des humains ? Quel est l’effet produit ? 6. a. Quelle ruse Re n a rtimagine-t-il pour tromper Ysengrin ? Quel est l’enjeu de l’épre u ve pour Ysengrin ? Aidez-vous du hors-texte. b. Quelle leçon lui donne Re n a rt? Citez le texte. c. Quel est le rôle du vavasseur dans l’histoire ? 7. Quel défaut d’Ysengrin est mis en év i d e n ce ici ? De quelle qualité fait-il preuve ?

La conduite du récit 3. Re t ro u vez l’e n c h a î n e m e nt des actions en vous appuyant sur les étapes du schéma narrat i f : s i t u ation initiale, élément déclencheur, enchaînement des actions, dénouement, situation finale. 4. Relevez les commentaires que fait le conteur à propos d’Ysengrin. Sur quel ton les fait-il ?

La visée 8. Sur quels types de comique (mots, ge s t e s, situation) cet épisode repose-t-il ? 9. En quoi ce t épisode reflète-t-il les relations qu’entretiennent Re n a rt et Ysengrin ? Montrez en citant le t exte que ces re l ations iro nt en se dégradant.

 * Leçon Les ruses de Renart : Renart et Ysengrin  La principale victime de Re n a rt est le loup

Ysengrin. Les deux personnages sont des ennemis jurés depuis que Re n a rt a maltra i t é Hersent, la femme d’Ysengrin, et a humilié ses louveteaux.Le loup incarne dans Le Roman de Renart la fo rce et la bêtise. Re n a rt prend to ujours le dessus sur lui par la ruse.

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 Re n a rt exploite la naïveté de ses v i ct i m e s.Il agit par n é cessité (il est tenaillé par la faim), mais aussi pour le plaisir de tromper.  Re n a rt a ffiche un mépris des lois et de la morale : Le Roman de Re n a rtn’a aucune portée morale, la seule int e ntion des co nteurs étant de fa i re rire. Ils utilisent à cette fin toutes les formes du comique : m o t s, ge s t e s,situations (personnage trompé, trompeur trompé…).

Le trompeur trompé : Renart et la mésange Préparez votre lecture 1. Rappelez en vous référant à l’ex t rait précédent de quelle façon Re n a rt a triomphé de plus fort que lui. Quelle était sa vict i m e ? 2. Qu’est-ce qu’une mésange ?

Extrait 3 «

Il aperçoit une mésange perchée sur un chêne » Renart vient de subir un échec : il a laissé échapper le coq dont il avait compté se régaler. ffamé, sans force, il fuit le long d’un sentier au milieu des bro u ssailles, en bord u re d’un champ. Dans son accablement, il se lamente d’avoir laissé échapper le coq grâce auquel il avait compté faire bombance1. Tandis que Renart se lamente ainsi, il aperçoit une mésange perchée sur un chêne : l’arbre cachait un creux où elle avait installé ses œufs à l’abri. « Bonjour, chère amie, descendez donc m’embrasser. – Il n’en est pas question, Renart. On ne peut être l’ami d’un brigand de votre espèce. Vous avez fait tant de mauvais coups à tant d’oiseaux, à tant de biches, qu’on ne sait plus que penser. Qu’allez-vous devenir ? Le mal vous a tellement corrompu qu’il est impossible de vous faire confiance. – Dame, aussi vrai que votre fils est mon filleul par son saint baptême, je ne songe pas à mal, je vous assure. Savez-vous pourq u o i ? Il est normal que je vous le dise. Monseigneur Noble le lion a fait jurer la paix, et pour longtemps, s’il plaît à Dieu. Dans tout son royaume, il a fait pro m e t t re à ses vassaux qu’ils la respecteraient et veilleraient à son maintien. Voilà qui réjouit le cœur des petites gens. C’en sera fini des disputes, des procès, des guerres meurt r i è res à droite et à gauche et les bêtes, grandes et petites, vivront tranquilles ! – Vous cherchez à me tromper, Renart. Allez donc chercher ailleurs, je vous en prie, car, vous aurez beau dire et beau faire, vous ne me convaincrez pas de me laisser embrasser par vous. » Renart, voyant que sa commère ne veut pas le cro i re, lui, son compère, ajoute : « Écoutez, dame, puisque vous avez peur de moi, je garderai les yeux fermés pour vous embrasser.

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1. faire bombance : faire un festin.

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2. trêve : arrêt des combats. 3. frère convers : moine qui, dans le monastère, s’occupe des travaux manuels. 4. prévaloir : triompher. 5. engeance : catégorie de personnes détestables.

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– Dans ces conditions, j’accepte. Fermez les yeux. » Il obéit, mais la mésange qui ne veut pas se risquer à l’embrasser se saisit d’une pleine poignée de mousse et de feuilles dont elle se met à lui chatouiller le museau. Et Renart, croyant la saisir, n’attrape que la feuille restée accrochée à sa moustache. – « Eh bien ! Renart », s’écrie-t-elle, « de quel accord parliez-vous ? Vous auriez eu vite fait de ro m p re la trêve2 si je ne m’étais écartée à temps. Vous prétendiez que la paix était chose faite et jurée. Votre ro i ne s’est pas entouré de garanties suffisantes. » Mais le goupil, glapissant de rire : – « Allons, c’était une plaisanterie pour vous faire peur. Peu importe! Recommençons, je fermerai à nouveau les yeux. Renart essaie encore une fois d’attraper la mésange mais en vain: la mésange effleure Renart d’un coup d’aile et il n’attrape que le vide. Il essaie à nouveau de la convaincre quand retentit dans le lointain le son des cors : des chasseurs arrivent avec leurs chiens…

Il détale, rien moins que rassuré, tandis que la mésange lui crie : « La paix dont vous parliez est donc déjà rompue, Renart ? Où fuyezvous ? […] Revenez donc m’embrasser ! – Le moment me paraît mal choisi. 45 – Mais puisque votre roi a fait jurer la paix ! » Sans répondre, Renart s’enfuit par les raccourcis qu’il connaissait bien, mais c’est pour tomber sur un frère convers3 qui 50 tenait en laisse, le long du chemin, deux chiens de chasse de belle taille. Le paysan qui était en tête des poursuivants crie alors au religieux de lâcher les chiens : « C’est pour le goupil : il n’ira pas loin. » Paro l e s 55 qui arrachent un soupir à Renart car il sait bien qu’il passera un mauvais quart d’heure si on l’attrape. Il se voit encerclé par des gens tout prêts, dès qu’ils le tiendront, à l’écorcher à la pointe de leurs couteaux. Il 60 craint fort d’y laisser pelisse et peau si, tout beau parleur qu’il est, il ne parvient pas à f a i re prévaloir4 la ruse sur la force. Il y a donc le moine qui flâne et Renart, en arrêt, qui ne peut ni se cacher ni s’échapper : où 65 pourrait-il aller, on se le demande. Et le frère, qui l’a vu, s’approche, menaçant : ∂ Illustration (1932) de Félix Lorioux (1872-1964), – « Ha ! Ha ! sale engeance5 ! vous ne tirée d’une édition du Roman de Renart, éd. Hachette, 1932. vous sauverez pas. 180

6. ermite : religieux coupé du monde. 7. éperonne (verbe éperonner) : pique avec les éperons pour aller plus vite.

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– Au nom de Dieu, mon père, ne parlez pas ainsi. Un ermite6, un saint homme comme vous doit se garder surtout de faire tort à personne […] » Considérant que Renart est dans le vrai, le moine le recommande à Dieu et à saint Julien avant de faire demi-tour. Aussitôt, le goupil éperonne7 son cheval et re p rend la fuite par un sentier qui remonte un vallon à travers champs. Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), « Renart et la mésange », traduit de l’ancien français par M. de Combarieu du Grès et J. Subrenat © Union Générale d’Éditions.

2 Lire et analyser Le cadre 1. Relevez les éléments qui constituent le cadre.

Le personnage de Renart 2. Dans quelle situation Renart se t ro u ve - t-il au début de l’épisode ? Citez le texte. 3. a. Quelle ruse Renart imagine-t-il pour tromper la mésange ? b. Co m m e nt déjoue-t-elle la ruse ? De quelles qualités fait-elle preuve ? 4. Pour quelle raison Renart abandonne-t-il la partie ? 5. a. Quel danger court-il ensuite ? b. Quelle est la seconde ruse de Re n a rt pour échapper à ce dange r ? Quel personnage trompe-t-il ?

6. Montrez que Renart est habile dans la manipulation du langage, qu’il ment, qu’il est hy p oc r i t e. A p p u yez- vous notamment sur les références à Dieu. 7. Qu’advient-il de Re n a rt à la fin de l’épisode ?

Le comique 8. Re l evez dans la pré s e nt ation de Re n a rt les éléments qui renvo i e nt au monde animal et ceux qui re nvo i e nt au monde humain. Quel est l’effet produit ? 9. a . M o nt rez que le comique de l’é p i s o d e repose sur un re nve r s e m e nt de situat i o n (comique de situation). b. En quoi le comportement de l’ermite prêtet-il à sourire ?

 * Leçon Renart, le trompeur trompé  Les épisodes les plus anciens du Roman de

Re n a rt s o nt construits à partir de la même structure: le texte s’ouvre sur le motif constant e t répété de la fa i m, il se poursuit par une tromperie de Renart.  Il arrive que Renart se t ro u ve en mauvaise posture et soit lui-même trompé par plus rusé que lui : les plus faibles peuve nt ainsi espérer prendre leur revanche. Re n a rtse retrouve alors dans la position du t rompeur t ro m p é,le ren-

ve r s e m e nt de situat i o n crée un effe t co m iq u e. Ce p e n d a nt , Re n a rt s ’en sort to u j o u r s grâce à une nouvelle ruse.  Les personnages du Roman de Renart s o nt mi-hommes, mi-animaux : ils ont des comportements humains mais conserve nt les caractéristiques animales pro p res à leur espèce. L’a l t e r n a n ce ent re ces deux état s, ce l u i d’homme et d’animal crée un effet d’é t ra ngeté et est source de comique.

6 Le Roman de Renart

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La satire Préparez votre lecture 1. Cherchez qui est Hermeline (voir Repères, p. 173). 2. Qu’est-ce qu’un supplice ? Citez quelques supplices du Moyen Âge.

Extrait 4 «

Sire, pitié pour mon mari »

Le roi Noble (le lion) décide de punir Renart pour tous ses méfaits. Il convoque l’assemblée des barons qui accusent Renart, le condamnant à être pendu. e roi dit à ses hommes : « Occupez-vous de le pendre, car je ne veux désormais pas attendre davantage. » Renart était sur le point d’être pendu, en dépit des lamentations de certains, quand le roi re g a rde au loin dans la plaine, et voit venir une grande troupe à cheval, où l’on aperçoit plus d’une dame éplorée1. Parmi elles se trouve la femme de Renart, qui arrive au galop à travers une friche2. Elle accourt en grande hâte ; elle manifeste une douleur indescriptible, et ses trois fils ne sont pas en reste vis-à-vis des autres : ils se tordent et se lacèrent les mains, se tirent et s’arrachent les cheveux. Ils font un tel vacarme et poussent de tels cris qu’on pourrait les entendre d’une lieue à la ronde. Leur troupe est un peu désordonnée, mais ils arrivent à bride abattue 3, et ils mènent avec eux, pour racheter Renart, une bête de somme4 lourdement chargée de richesses. Avant même que Renart ait reçu l’absolution5, ils ont fendu la foule et, se précipitant avec impétuosité6, ils se jettent aux pieds du roi. La dame a pris les devants et s’élance plus vite que tous les autres : « Sire, pitié pour mon mari, pour l’amour de Dieu, notre véritable Créateur ! Je vous donnerai toutes ces richesses si vous consentez à lui faire grâce. » Découvrant le grand trésor d’or et d’argent étalé devant lui, le roi est très désireux de mettre la main sur ces richesses. « Madame, dit-il, je vous prie de m’en cro i re, Renart a commis trop de crimes vis-à-vis de moi, et tant d’outrages7 envers mes hommes qu’il me serait impossible de rétablir la paix : c’est pour cette raison que la justice doit suivre son cours ; puisqu’il refuse de s’amender8 pour ses crimes, il a bien mérité qu’on le pende. Tous mes barons me demandent de faire pendre cette canaille et en toute vérité, à moins de me rendre parjure9 à leur égard, il sera bientôt livré

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1. éplorée : en larmes. 2. friche : terre non cultivée. 3. à bride abattue : très vite (sans que la bride retienne le cheval). 4. bête de somme : cheval utilisé pour le transport d’objets lourds. 5. recevoir l’absolution : expression religieuse signifiant « recevoir le pardon ». 6. impétuosité : fougue, vivacité. 7. outrages : offenses, affronts, injures. 8. s’amender : réparer ses fautes. 9. me rendre parjure : rompre mon serment.

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au supplice. – Sire, au nom de Dieu en qui tu crois, pard o n n e lui pour cette fois ! » Le roi lui répond : « Pour l’amour de Dieu, je lui pardonne par affection pour vous. » Et il ajoute: « Il vous sera rendu à cette condition qu’à son premier méfait, il sera pendu. » Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche Ia, « Pardon du roi à Renart », traduit de l’ancien français par G. Bianciotto © Librairie Générale Française.

Illustration de Joseph Porphyre Pinchon (1871-1953), Noble le lion convoque sa cour (1930), pour les Aventures de Maître Renard, par G. Le Cordier, éd. Delagrave.

©

2 Lire et analyser L’action 1. a. Dans quelle situation Re n a rtse trouve-t-il au début de l’extrait ? De quoi est-il accusé ? b. Qui sont les personnages qui surv i e n n e nt ? Identifiez le cadre. 2. De quoi Hermeline ve u t-elle co nva i n c re le roi ? Parvient-elle à ses fins ? 3. Qu’advient-il de Re n a rt à la fin de l’extrait ?

La dimension satirique 4. a. Quels personnages constituent la famille de Renart ? Quels sentiments éprouvent-ils ? b. Par quelles attitudes manife s t e nt-ils leurs sentiments ? Quel est l’effet produit ?

 * Leçon La satire

 Le Roman de Re n a rtest un roman de dérision

critique : derrière la fiction animale, il présente la sat i re (une vision moqueuse) de la société fé o d a l e du XIIIe siècle : désacco rds ent re les barons, hypocrisie d’une partie du clergé (prêtres et moines), corruption, vengeances, justice

5. a. Sur quels arguments Hermeline s’appuiet-elle pour convaincre le roi de sauver Re n a rt? b. Quelle est la première réaction du roi ? Pour quelle raison revient-il sur sa décision ? c. Quel motif invoque-t-il ? d. Quel t ra i t de caract è re ce comportement révèle-t-il ? 6. Dans cet ex t rait, les personnages se co mp o rt e nt-ils plutô t comme des animaux ou comme des humains ? Justifiez votre réponse. 7. Quelle vision cet extrait donne-t-il de la justice médiévale ?

humaine… et laisse ent revoir un monde où rè g n e ntla tromperie, l’hypocrisie, l’injustice.  La sat i re demeure légère, re s p e ctueuse de l’ordre établi, elle vise principalement à amuser un public où tous les milieux sont mêlés.

6 Le Roman de Renart

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La parodie Préparez votre lecture 1. Cherchez qui est Tardif (voir Repères, p. 173). 2. Quel sens donnez-vous au mot parodie ? Pouvez-vous citer des exemples de parodie aujourd’hui ?

3. Donnez le sens des mots et expressions : écu, heaume, désarçonner, ceindre l’épée.

Extrait 5 «

Il voit venir le limaçon, la lance au poing » Renart vient de dérober à un écuyer son faucon et un tambour (dont on se sert à la chasse pour faire envoler les oiseaux). Il rencontre son ennemi le limaçon. oici Renart entré dans le bois, mais avant d’être allé très loin, il voit venir le limaçon la lance au poing, l’écu au bras, solidement campé sur son cheval, bien armé, le heaume lacé; il arrive piquant des deux1 à travers une friche2. Aussitôt qu’il voit Renart, il ressent une grande joie dans son cœur, car le goupil lui avait causé bien des préjudices, beaucoup de contrariétés et de désagréments. […] Tardif […] éperonne son cheval, sans plus attendre, et frappe de sa lance Renart de telle sorte qu’il le désarçonne et le fait tomber étendu de tout son long sur le sol. Renart se remet en selle peu rassuré et humilié, et p rend son tambour par les lacets. Aussitôt il se précipite sur Tardif, et il se dispose du mieux qu’il peut à le frapper. Tardif tire alors son épée et s’apprête à son tour à frapper Renart, mais celui-ci a pris les devants, et il le frappe d’un tel coup de son tambour qu’il l’abat de son cheval3 de combat. De si haut comme il se trouvait, Tardif tombe à la renverse sur son écu ; et quand Renart le voit à terre, il se précipite sur lui, lui ôte l’écu, et il le frappe de son tambour près de l’oreille avec tant de force que la tête en devient toute rouge de sang. Il lui écorche tout le visage ; puis il s’empare de sa lance, qui est longue, grosse et robuste, et il la lui passe à travers le corps. Il le tue, puis il s’équipe: il ceint l’épée de Tardif, puis il s’en va, emportant l’écu vermeil4 qui brille aux rayons du soleil.

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1. en piquant des deux : en éperonnant sa monture. 2. friche : terre non cultivée. 3. il l’abat de son cheval : il le fait tomber de son cheval. 4. vermeil : couleur rouge doré.

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Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche XXX, traduit de l’ancien français par G. Bianciotto © Librairie Générale Française.

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2 Lire et analyser L’action 1. Quels sont les deux personnage en présence ? Ra p p e l ez dans quelles circonstances ils s’affrontent. 2. Qui prend le dessus sur l’autre à la fin de l’extrait ?

La dimension parodique 3. Montrez que le combat est une parodie d’un co m b at c h eva l e resque (re l i s ez l’ex t ra i t d u Roman de Tristan et I s e u t,p. 143). Pour ré p o ndre, relevez : a . les mots et ex p ressions qui re nvo i e nt à l’équipement du chevalier ainsi que le champ lexical du combat ;

 * Leçon La parodie

 Les conteurs du Roman de Re n a rt parodient

les autres genres littéra i res en les imitant et en les to u r n a nt en dérision : p a rodie des p rocédés épiques présents dans les récits de combats des romans de cheva l e r i e ; p a rodie du chevalier à travers le personnage de Renart.



b. un ou deux exemples d’accumulations ve rbales et d’ex p ressions qui marq u e nt l’intensité (si, tant, tellement…). 4. Quels codes du co m b at c h eva l e re s q u e Renart enfreint-il (voir L’essentiel, p. 159) ? 5. a. En quoi le nom de Ta rdif est-il amusant ? Quelle caractéristique de l’animal met-il en valeur ? b. En quoi le choix de ce t adversaire donne-t-il une dimension comique au combat ?

 Re n a rt transgresse en effet toutes les règles du code cheva l e re s q u e, il use de la ruse et de la violence à l’éga rd de tous ; il n’est motivé ni par la re c h e rche de la gloire, ni par l’amour, mais par la faim et la quête de nourriture.

Illustration de Roland Garrigue.

6 Le Roman de Renart

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Lecture d’image

2 Observer et analyser La nature de l’image et la technique

Le texte

1. De quelle époque ce manuscrit d at e - t- i l ? Quel en est le support ? 2. Repérez la miniature (image ) , la lettrine (lettre initiale ornée), le texte. 3. a. Quelle est la technique utilisée ? À quoi le quadrillage des lignes sert-il ? b. En quoi s’agit-il d’une enluminure ? Quelles sont les couleurs dominantes ? Quelle utilisation est faite du doré ?

6. L i s ez le t exte en vous aidant de la retra n scription qui figure en bas de la page 173 (extrait en ancien français et traduction). 7. De quel type d’écriture s’agit-il ?

La miniature 4. Quelle est la scène représentée ? Ident i f i ez les personnage s . N o m m ez-les (aidez-vous de la liste des personnages dans les Re p è re s, p. 173). Décrivez leur attitude. 5. Lesquels sont re p ré s e ntés comme des animaux ? Lequel pré s e nte des caractéristiques humaines ? Précisez en quoi. Quelle est sa fonction sociale ?

La lettrine 8. La lettrine repré s e nte un s. Quelles sont les deux fa çons d’écrire le s dans le manuscrit ? Co m p a rez ce s avec celui de h i s to i re (dernier mot) et avec le s des mots vo u s (l. 1) et taisir (l. 2) Dans la lettrine, repérez la barre d’appui (barre verticale à droite qui ferme la lettre). 9. M o nt rez qu’il y a une unité ent re la miniature et le tex t e.Appuyez-vous sur les couleurs, les bordures et les ornementations.

La fonction 10. Quelle est la fonction de cette enluminure?

 * Leçon Le manuscrit et l’enluminure  Au Moyen Âge , un manuscrit est un texte copié à la main par un moine co p i s t e.Le support est un p a rc h e m i n ( fabriqué à partir de peau de chèvre ou de mouton).  Le t exte est calligraphié (écrit avec soin) en écriture go t h i q u e.Cette écriture apparaît dès le XIIe siècle : les moines brisent le tra cé arrondi des lettres romanes et introduisent des lignes verticales. Pour composer la page , ils utilisent des règles et des compas : ils t ra ce nt des marges, des lignes et des colonnes qui leur perm e t t e nt d’aligner les lettres et de délimiter les espaces ré s e rvées à l’e n l u m i n u re. Po u r écrire, ils se serve nt d’une plume d’oie taillée ou d’un pinceau.

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 L’e n l u m i n u re (du latin illuminare : re n d re plus lumineux) est une ornement ation qui illustre et d é co re le t exte manuscrit (l e t t re ornée, m i n i at u repeinte). L’enlumineur co mpose la miniature seulement après que le texte a été écrit. Il ne dispose donc que d’un petit espace, celui que lui a laissé le copiste.  La m i n i at u reest une peint u re délicate de petit format. La lettrine est une grande initiale ornée en début de chapitre ou de paragraphe. Elle assure la liaison ent re le t exte et l ’ i m a ge. La page co m p o rte ainsi une unité,bien qu’elle soit composée par deux artistes (le copiste et l’enlumineur).Les manuscrits sont pliés et reliés pour former un co d ex(c’est-à-dire un livre).



Le lion sur son trône, enluminure extraite du Roman de Renart, manuscrit sur parchemin du XIVe siècle (BnF, Paris).

6 Le Roman de Renart

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TEXTES 1 ET 2 1. Ident i f i ez l’époque de chacun des t ex t e s . Dans quelle langue la fable d’Ésope a-t-elle été écrite ? 2. En quoi la ruse du re n a rd co n s i s t e - t-elle dans chacun des deux textes ? Quel est l’objet de convoitise ? Qui est la victime ? La ruse réussit-elle ? 3. Quel est le t i t re de la fable de La Fo ntaine qui ra co nte la même ruse ? Combien de siècles séparent La Fontaine d’Ésope ? 4. Quelle image est donnée du renard ?

LECTURE 1 LE PERSONNAGE DU RENARD DANS LA LITTÉRATURE

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TEXTE 1 Le corbeau et le renard Un corbeau déroba un morceau de viande et alla se percher sur un arbre. Un re n a rd, l’ayant aperçu, voulut se rendre maître du morceau. Posté au pied de l’arbre, il se mit à louer la beauté et la grâce du corbeau : « À qui mieux qu’à toi convient-il d’être ro i ? En vérité, tu le serais si tu avais de la voix. » Le corbeau, voulant lui montrer qu’il n’en était pas dépourvu, laissa tomber la viande et poussa de grands cris. L’autre se précipita, s’empara de la viande et dit: « Ô, corbeau, si tu avais aussi de l’intelligence, il ne te manquerait rien pour être le roi de tous les animaux. » Avis aux sots.

TEXTE 3

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Ésope (VIe siècle av. J.-C.), Fables, traduit du grec par C. Terreaux © éd. Arléa.

T EXTE 2 Le corbeau Tiécelin a volé un fromage dans une ferme. Renart se trouve sous l’arbre où il s’est réfugié…

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Il aperçoit alors son vieux compère Tiécelin, perché dans l’arbre, le bon fromage entre les pattes. Il l’interpelle familièrement : « Par les saints du Paradis, qui vois-je là ? Estce vous, mon compère ? Paix à l’âme de votre père, sire Rohart qui savait si bien chanter ! Souvent je l’ai entendu proclamer meilleur chanteur de France. Vous-même, dans votre enfance, aviez l’habitude de vous exercer courageusement. Savez-vous toujours chanter ? Chantezmoi donc une ritournelle ! » À cet éloge, Tiécelin ouvre le bec et pousse un cri. […] L’oiseau s’égosille de tout son souff l e , et dans son eff o rt, il ne s’aperçoit pas qu’il desserre la patte droite. Le fromage tombe à terre juste aux pieds de Renart. Celui-ci, bien que dévoré de gourmandise, se garde d’y toucher, car il voudrait bien, s’il le peut, s’emparer de Tiécelin. Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche II, « Renart et Tiécelin », traduit de l’ancien français par É. Charbonnier © Librairie Générale Française.

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Le Coq et le Renard Sur la branche d’un arbre était en sentinelle Un vieux Coq adroit et matois1. « Frère, dit un Renard, adoucissant sa voix, Nous ne sommes plus en querelle : Paix générale cette fois. Je viens te l’annoncer ; descends que je t’embrasse. Ne me retarde point, de grâce : Je dois faire aujourd’hui vingt postes2 sans manquer3. Les tiens et toi pouvez vaquer Sans nulle crainte à vos affaires4 ; Nous vous y servirons en frères. Faites-en les feux5 dès ce soir. Et cependant viens recevoir Le baiser d’amour fraternelle6. – Ami, reprit le Coq, je ne pouvais jamais Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle Que celle De cette paix ; Et ce m’est une double joie De la tenir de toi. Je vois deux Lévriers, Qui, je m’assure7, sont courriers8 Que pour ce sujet on envoie. Ils vont vite, et seront dans un moment à nous. Je descends: nous pourrons nous entre-baiser9 tous. – Adieu, dit le Renard, ma traite10 est longue à faire: Nous nous réjouirons du succès de l’affaire Une autre fois. » Le galant11 aussitôt Tire ses grègues12, gagne au haut13, Mal content de son stratagème. Et notre vieux Coq en soi-même Se mit à rire de sa peur ; Car c’est double plaisir de tromper le trompeur. J. de La Fontaine, Fables (1693), livre II, XV. 1. matois : rusé. 2. poste : distance qui séparait deux relais de postes (deux lieues environ = 8 kilomètres), donc vingt fois cette distance. 3. sans manquer: sans faute. 4. vaquer à ses affaires: s’occuper sans crainte d’être dérangé. 5. les feux: des feux de joie pour célébrer la paix. 6. le mot amour était féminin au XVIIe siècle.7. je m’assure: j’en suis certain. 8. courriers: messagers. 9. nous entre-baiser: nous donner mutuellement le baiser de paix. 10. traite: course. 11. Le galant: le coquin. 12. Tire ses grègues: retrousse ses chausses (pantalon). 13. gagne au haut: s’enfuit.

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bons fumés et cinquante flèches de lard. – Quel régal pour les yeux ! s’écria Maître Renard, sautant et dansant. Qu’est-ce que vous en dites, hein ? Plutôt pas mal comme bouffe ! Soudain, comme mus par des ressorts, les trois renardeaux affamés et Blaireau, qui aurait mangé un éléphant, se jetèrent sur la succulente nourriture. Roald Dahl, Fantastique Maître Renard (1980), traduit de l’anglais par M. Saint-Dizier et R. Farré.© éd. Gallimard.

Illustration de Armand Rapeno (XIXe-XXe siècle), « Le coq et le renard » (1947), pour les Fables de La Fontaine.



TEXTE 4 Décidés à en finir avec Renard, les trois fermiers Boggis, Bean, et Bunce assiègent sa tanière. Renard et sa famille sont vite aff a m é s . Renard, accompagné de ses renardeaux, creuse un tunnel pour trouver à manger. Sur le chemin ils rencontrent leur cousin Blaireau.

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Bientôt, ils se re t ro u v è rent au-dessous d’un autre plancher. Maître Renard sourit d’un air rusé, montrant ses dents blanches et pointues. – Si je ne me suis pas trompé, mon cher Blaireau, dit-il, nous sommes maintenant sous la ferme qui appartient à Bunce […]. Ils s’arr ê t è rent, les yeux écarquillés. Ils re staient bouche bée. Ils étaient si comblés qu’ils ne pouvaient plus parler ; car ce qu’ils voyaient maintenant était en quelque sorte le rêve de tout renard, le rêve de tout blaireau, un paradis pour les animaux affamés. – Ceci, mon cher vieux Blaireau, déclara Maître Renard, c’est l’entrepôt géant de Bunce. Toutes ses provisions sont stockées ici en attendant de partir au marché. C o n t re les quatre murs de l’immense pièce, entassés dans des arm o i res et empilés sur des é t a g è res qui allaient du sol jusqu’au plafond, il y avait des milliers et des milliers de canards et d’oies, les plus beaux, les plus gras, plumés et prêts à cuire ! et au-dessus, pendus au plafond, il devait y avoir au moins une centaine de jam-

TEXTES 3 ET 4 1. Pour chaque t exte : i d e nt i f i ezl’époque, l’auteur et le cadre ; re l evez les éléments qui mont rent que le renard est personnifié. 2. Dans quel texte le renard est-il le trompeur ? Qui sont les victimes (animaux, humains) ? Dans quel cas le renard est-il le trompé ? 3. La ruse utilisée par le renard avec le coq est-e l l e la même que celle utilisée avec la mésange (p. 179)? A-t-elle réussi ? 4. D’où vient le comique de l’extrait de Roald Dahl ?

 * L’essentiel

Le renard dans la littérature

 Le personnage du re n a rd re p ré s e nte dans

de nombreuses t raditions populaires le sy mbole de la ruse et de l’intelligence.  Il est présent dans la littérat u re animalière depuis l’Antiquité grecque : on le trouve dans des t extes de ge n res différents et d’époques différentes, d’Ésope au XXe siècle.  Sa couleur rousse rappelle celle du feu et l’assimile au diable. Tantôt t ro m p e u r,t a ntôt t ro m p é, le re n a rd suscite la sy m p athie par son habileté. Il montre aussi que la ruse peut l’emporter sur la force.

ORAL 2 FAIRE UNE LECTURE À HAUTE VOIX 1. Parmi les textes étudiés, choisissez-en un. 2. Préparez la lect u re en repérant les passages narratifs et les dialogues s’il y en a. 3. L i s ez l’histo i re aux autres en variant le to n : l’a uditoire doit entendre la différence ent re la voix du narrateur et celle des personnages.

6 Le Roman de Renart

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 * L’essentiel

GRAMMAIRE

Les compléments circonstanciels  On trouve dans Le Roman de Re n a rtde nomb reux co m p l é m e nts circonstanciels qui permettent au public d’imaginer les circonstances des aventures : cadre spatio-temporel (compléments circonstanciels de lieu et de temps), comportement et m o t i vations des personnage s (compléments circonstanciels de m a n i è reet de cause),but poursuivi (complément c i rconstanciel de but), m oyens utilisés (complément c i rconstanciel de m oye n), hypothèse émise (complément circonstanciel de condition)… 2 LEÇON COMPLÈTE : fiche 29, p. 353

Voici t rois notions gra m m aticales que vous devez maîtriser pour lire des ex t raits du Roman de Re n a rt et écrire vous-même une aventure de Renart : – les compléments circonstanciels ; – les fonctions liées au verbe : sujet, COD, COI, COS ; – les reprises nominales et pronominales.

Les compléments circonstanciels

 * Texte d’observation 1

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A c c roupi dans le chemin, il se démène, tendant le cou pour mieux voir mais se dit que, s’il saute, les poules le verront et se mettront à l’abri de la haie. Il risquerait aussi de se faire surpre nd re avant d’avoir rien gagné. En somme, il se demandait bien comment il allait pouvoir s’app rocher des poules qu’il voit picorer sous ses yeux. Il avance donc en dodelinant de la tête jusqu’à l’angle de la clôture où un pieu brisé lui p e rmet de s’intro d u i redans l’enclos. Le paysan avait planté des choux devant la brèche. Renart, après s’être faufilé à l’intérieur, s’y dissimule afin de n’être pas aperçu. Mais les poules qui ont remarqué son mouvement se dépêchent de prendre la fuite en gloussant. Pendant ce temps, Monseigneur Chantecler le coq, se glissant entre deux pieux, avait marché jusqu’à un tas de fumier, en suivant l’ornière d’un sentier qui longeait le bois. Et le voici qui revient fièrement à la rencontre des poules, paré de plumes jusqu’au bout des ongles et se rengorgeant […].

 * Exercices

1 ANALYSER LES COMPLÉMENTS CIRCONSTANCIELS

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Le Roman du Renard (XIIe-XIIIe siècles), adapté par J. Leroy-Allais © éd. Tallandier.

1. Quelle est la scène racontée ? Relevez les compléments circonstanciels qui en précisent les circo n stances : un de temps, cinq de lieu, trois de manière. 2. Vous préciserez leur classe grammaticale : groupe nominal, pronom, adverbe.

Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche II, traduit de l’ancien français par M. de Combarieu du Grès et J. Subrenat © Union Générale d’Éditions.

1. En vous appuya nt sur les co u l e u r s, classez les compléments circonstanciels : – CC de lieu – CC de temps – CC de manière – CC de but – CC de condition 2. I d e nt i f i ez leur classe gra m m at i c a l e : g ro u p e nominal prépositionnel (précédé d’une préposition), g roupe infinitif, proposition subord o n n é e , gérondif, adverbe. 3. Quelle est la scène évoquée ? Pré c i s ez le rôle des compléments circonstanciels.

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La nuit suivante, [Renart] revient de son pas velouté à la demeure d’Ysengrin. Il grimpe sur le toit et, sans faire de bruit, y creuse un grand trou à l’endroit où les jambons sont suspendus ; il les décroche l’un après l’autre et les emport e chez lui, où sa femme, Ermeline, et ses enfants, Malebranche et Percehaye, attendent impatiemment le résultat de son expédition.

2 PRÉPOSITIONS Replacez dans le t exte les prépositions int ro d u isant les co m p l é m e nts circonstanciels : p o u r,sans (2 fois), par, en, dans, sur.

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Renart pénètre …… la cour en quête d’une proie …… calmer sa faim. Il cherche …… tout le jardin …… oublier le moindre recoin, mais …… rien trouver à manger. Il se glisse alors …… se dissimulant …… le re b o rd de la fenêtre […]. D’après Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche Ib, traduit de l’ancien français par M. de Combarieu du Grès et J. Subrenat © Union Générale d’Éditions.

3 PROPOSITIONS SUBORDONNÉES Relevez les propositions subordonnées co n j o n ct ives et précisez leur fonction : complément circo n stanciel de temps, de cause, de conséquence.

a. L’hiver était très froid si bien que le gibier se faisait rare. b. Lorsque Renart voit arriver la c h a rrette des marchands, remplie d’anguilles, il imagine une ruse. c. Comme il avait plus d’un tour dans son sac, Renart dispose les anguilles autour de son cou. d. Avant que les marchands aient eu le temps de le rattraper, Renart était dans la futaie. e. Une fois que les tisons sont t r a n s f o rmés en braise, Renart y met les anguilles à griller.

Les fonctions liées au verbe : sujet, COD, COI, COS

b. Quels différents personnages occupent le devant de l’a ction par leur fo n ction de sujet ? Agissent- i l s ou subissent-ils l’action ? c. Quel personnage est le plus souvent placé dans la position d’objet ? Dans quelle situation se trouvet-il par rapport au sujet ? 2. O b s e rvez les expressions : lui déchire les oreilles (l. 7 -8 ) ; quand une chance lui survint (l. 15-16). Dans laquelle le pronom lui est-il COI ? Dans laquelle estil COS (accompagné d’un autre complément d’o bjet) ? Pour quelle raison ces compléments sont-ils construits ici sans préposition (à ou de) ? 3. Relevez dans la première phrase une proposition subordonnée conjonctive complément d’objet.De quel verbe dépend-elle ?

 * L’essentiel

Les fonctions liées au verbe  Le sujet désigne celui qui fait l’a ction ex p r i-

mée par le verbe (a ge nt) ou celui qui la subit (p at i e nt) . Le complément d’objet désigne ce sur quoi ou celui sur qui porte l’a ct i o n.Renart passe d’une fonction à l’a u t re selon qu’il est trompeur ou victime.  On distingue les co m p l é m e nts d’o b j e t directs, indirects, seconds. 2 LEÇON COMPLÈTE : fiche 26, p. 350 fiche 28, p. 352

 * Texte d’observation 2 Renard, « le méchant roux », a mangé Pinçart le héron et les petits du moineau Drouineau. Ce dernier demande au chien (le dogue) de le venger.

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Au bout d’un instant, Drouineau revint dire au dogue que le méchant roux dormait à l’omb re des roseaux où l’infortuné Pinçart avait trouvé la mort. Le mâtin1 s’y rend en toute hâte et, sans donner à Renard le temps de se reconnaître, il l’att a q u e, le mord, le secoue, le piétine, lui déchire les oreilles, met sa fourrure en guenilles, le roule p a rmi les pierres aiguës, et le laisse immobile, ne formant plus qu’une masse de chairs sanglantes et d’os brisés. Renard pourtant ne succomba point. Blessé, agonisant, souffrant mille tortures, privé des consolations de sa chère Ermeline, il semblait a rrivé au tréfonds du malheur, quand une chance lui survint. La chèvre Metbé le recueillit, le pansa et, à l’aide de drogues et de philtres dont elle avait le secret, le guérit. Le Roman du Renard (XIIe-XIIIe siècles), adapté par J. Leroy-Allais © éd. Tallandier. 1. le mâtin : le chien.

1. a. Relevez les sujets et les co m p l é m e nts d’objet d i re cts des verbes en ve rt et p ré c i s ez leur classe gra m m at i c a l e. Re l evez un exemple de sujet co mmun à plusieurs verbes.

Illustration (1909) de Benjamin Rabier (1864-1939) pour Le Roman du Renard, éd. Tallandier, 1999.



 * Exercices

4 LES FONCTIONS LIÉES AU VERBE Ident i f i ez les différentes fonctions grammaticales du mot Renart : sujet, COD, COI, COS.

a. Renart est torturé par la faim. b. Tibert aperçoit Renart. c. À un détour du chemin, paraît Renart, maigre et efflanqué. d. Tibert le chat ne fait pas confiance à Renart. e. Ti b e rt tend un piège à Renart. f. « Ti b e rt, dit Renart, j’aurai d’autres occasions de te prendre au piège ».

6 Le Roman de Renart

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5 COMPLÉMENT D’OBJET, COMPLÉMENT

1. Observez les groupes en orange puis ceux en ve rt. Quel mot reprennent-ils respectivement ? Citez une ex p ression qui constitue une reprise partielle du mot poules et une autre qui en constitue une reprise to t a l e. 2. Classez les termes de reprise selon leur classe grammaticale (groupe nominal ou pronom). 3. M o nt rez que les groupes nominaux de reprise permettentde préciser les re l ations ent re les personnages.

CIRCONSTANCIEL

C l a s s ez les compléments int roduits par les prépositions à ou de selon qu’ils sont compléments d’objet indirect, s e cond ou circonstanciel (pré c i s ez la circonstance).

a. Renart arrive à l’orée du bois. b. Renart meurt de faim. c. Il avance d’une allure rapide. d. La ferme de Constant du Marais re g o rg e a i t de chapons, de viandes fraîches et salées, de blé. e. Renart s’empare d’une poule. f. Chanteclerc se sauve à tire - d ’ a i l e. g. Renart apporte son butin à Herm e l i n e. h. Après avoir demandé son chemin aux biches, aux lièvre s , aux oiseaux, Brun se trouva, au crépuscule, devant Maupertuis.

 * L’essentiel Les reprises

 Les reprises ou substituts sont des noms ou

pronoms dont on se sert pour désigner d’une autre façon un être ou un élément déjà nommé dans la phra s e.  Les co nteurs du Roman de Renart u t i l i s e nt de nombreux termes de reprise, notamment pour désigner Re n a rt: ils mettent en avant ses mauvais tours mais ex p r i m e nt aussi la sy mp athie qu’ils lui acco rd e nt. On t ro u ve par exemple : Ce maître ès ruses (diplômé en ruse) ; notre chasseur, le rouquin, le fourbe… 2 LEÇON COMPLÈTE : fiche 19, p. 343

6 CONSTRUCTION DES VERBES Classez les verbes selon qu’ils acceptent un ou deux complément(s) d’objet direct(s) ou indirect(s).

a. Ysengrin secoue la tête. b. R e n a rt lui jette de l’eau bouillante sur la nuque. c. Tibert mont re à Renart le chemin. d. Renart vole un chapon dodu. e. Renart échappe à ses poursuivants. f. Renart se joue de tous.

 * Exercices

Les reprises nominales et pronominales

7 REPÉRER LES REPRISES

 Texte d’observation 3

*Renart s’introduit donc dans l’enclos et s’ap-

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proche des poules tout en tendant l’oreille par peur d’être surpris […]. En voici trois, perchées sur une poutre qui n’ont plus longtemps à vivre. Notre chasseur grimpe sur un tas de paille pour saisir ses victimes entre ses dents, mais ces dern i è re s, sentant bouger la paille, sautent et vont se tapir dans un coin. Renart les y poursuit, les accule une par une dans l’encoignure et les étrangle toutes les tro i s. Les deux pre m i è re s lui p e rmettent d’avoir sujet de se lécher les babines sur-le-champ, quant à la troisième, il a l’intention de la f a i re cuire. Aussi, comme, après avoir mangé, il se sent mieux, il entreprend de sortir de la ferme en l’emportant. Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche IV, traduit de l’ancien français par M. de Combarieu du Grès et J. Subrenat © Union Générale d’Éditions.

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Pendant ce temps, Ysengrin menait grand deuil de ce que1, encore une fois, Renard lui avait échappé. Jamais sûrement il ne retro u v erait pareille occasion de se débarrasser de lui sans courir aucun risque. Il se répand en injures et en menaces contre Grimbert2 qui a préparé et favorisé la fuite de ce maudit roux. Le Roman du Renard (XIIe-XIIIe siècles), adapté par J. Leroy-Allais © éd. Tallandier. 1. menait grand deuil de ce que : était très mécontent parce que. 2. Grimbert : le blaireau ami de Renart.

1. À qui les pronoms en vert renvoient-ils ? 2. Relevez le groupe nominal utilisé comme reprise du mot Re n a rd. Justifiez le choix de cette ex p re ssion. 8 RETROUVER LES REPRISES Re p l a cez les reprises nominales dans le t ex t e : Renart, L’ h o m m e, un pays a n, le go u p i l, un énorme chien, son chien, au mâtin.

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Mais voilà qu’apparaît…… occupé à couper du bois pour chauffer son four. Il avait avec l u i…… – un vrai molosse – maigre et famélique, qu’il tenait par une laisse attachée à la chaîne garnie de petits clous qui lui servait de collier.……, voyant appro c h e r……, lâche… … et l’excite de ses cris – spectacle qui est loin de plaire à… … . […]. Il n’ose ni faire face… …, ni affronter les représentants du roi qui le serrent de près, Ta rdif en tête, brandissant l’étendard royal.

LEXIQUE 11 LE LEXIQUE ANIMALIER 1. Complétez avec le nom de la femelle et des petits.

– La basse-cour était pleine de coqs, de …… et de …… ; de jars, d’…… et d’…… ; de canards, de …… et de …… ; de dindons, de …… et de ……. 2. Associez à chaque animal son comportement.

– a. Le coq Chanteclair. b. Le chat Tibert. c. Beaudoin l’âne du meunier. d. Drouin le moineau. e. Renart. f. Le chien Roonel. – sautille de branche en branche ; fléchissant sous sa charge ; s’est tapi dans un coin; se campe sur ses ergots ; découvre ses crocs ; dort voluptueusement au soleil.

D’après Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), traduit de l’ancien français par M. de Combarieu du Grès et J. Subrenat © Union Générale d’Éditions.

ORTHOGRAPHE

12 UNE FIGURE DE STYLE :

2 RÈGLES : fiche 33, p. 359

LA PERSONNIFICATION

9 ACCORDS SUJET/VERBE

2 Fiche 34, p. 362

Ident i f i ez les sujets des verbes puis écrivez les verbes à l’indicatif présent en effe ct u a nt les acco rd s .

a. Voici qu’(arriver) à vive allure des marchands qui (transporter) un chargement de poissons de mer. b. Noble ordonne à Renart de comparaître devant le tribunal pour y répondre des crimes dont l’(a c c u s e r) Brun et Ysengrin. c. Brun, Ysengrin, Ti b e rt, Tiécelin le corbeau, Pinte la poule (c r i e r) à tue-tête contre Renart. d. Renart se dépêche de gagner son château où l’(attendre) son épouse Hermeline ainsi que ses trois renardeaux.

CONJUGAISON 2 Fiche 32, p. 358

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C’était au printemps, un matin de mai; Renart tenait sur ses genoux son fils Rovel que la faim faisait pleurer à gros sanglots. Alors, son père, pour le calmer: « Mon cher trésor, je vais chasser dans la forêt de Veneroy pour te chercher à manger. » Sitôt dit, sitôt fait, le voilà en quête dans la campagne, reniflant une piste pour attraper de quoi apaiser la faim de son fils, coq, poule ou oison. C’est toute sa maisonnée qui en a besoin car le garde-manger est vide et sa femme est en train d’accoucher. Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche XII, traduit de l’ancien français par M. de Combarieu du Grès et J. Subrenat © Union Générale d’Éditions.

1. Relevez les cara ctéristiques humaines de Renart et de sa famille. 2. Quels éléments permettent de dire qu’il demeure un animal ? Quel est l’effet produit ?

10 PRÉSENT, PASSÉ SIMPLE Conjuguez à la troisième personne du singulier et du pluriel de l’indicatif pré s e nt et passé simple les verbes ci-dessous. Les sujets en seront : Renart, puis Renart et Tibert.

– Détaler à l’arrivée des chiens; courir rapidement; s’élancer; faire le guet; apercevoir un paysan au loin; voir une mésange s’envoler; prendre une andouille ; suivre la lisière du bois.

∂ Illustration (1909) de Benjamin Rabier (1864-1939) pour Le Roman du Renard, éd. Tallandier, 1999.

6 Le Roman de Renart

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Évaluation

LECTURE « Quelle souffrance ! »

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R e n a rt propose à l’ours Brun de le conduire chez le charpentier Lanfroi pour y chercher du miel…

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Ils galopent à bride abattue1 jusqu’au bois de L a n f roi, où leurs destriers2 s ’ a rrêtent. Lanfroi, qui vendait du bois, avait commencé à fendre un chêne, en y enfonçant deux coins3. « B run, dit Renart, mon cher ami, voici ce que je t’ai promis. La ruche est là-dedans. Vas-y, mange ! Après nous irons boire. Tu peux y aller, tu as trouvé ton bonheur ! » B run l’ours met son museau et ses deux pattes de devant dans le chêne, tandis que Renart le soulève et le pousse. Puis le goupil se re t i re et l’exhorte4 : « Vilain, dit-il, ouvre la gueule ! Ton museau y touche presque ! Ouvre la gueule ! » Il se moque de lui et le roule. Maudit soit-il toute sa vie, pour la bonne raison que jamais l’ours n’aurait tiré une goutte de miel de l’arbre, où il n’y avait ni miel ni rayon5 ! Et pendant que Brun ouvre la gueule de toutes ses forces, Renart a empoigné les coins et les a arrachés à grandpeine. Aussitôt la tête et les flancs de Brun re stent coincés dans le chêne. Voilà le malheureux

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dans une triste posture : Renart l’a mis dans de sales draps ! […] Sur ces entrefaites, survient Lanfroi le fore stier, et Renart détale aussitôt. Quand le vilain voit l’ours pendu au chêne qu’il devait fendre, il se précipite vers le village : « H a ro! haro ! criet-il, sus à l’ours! Nous allons pouvoir l’attraper! » Il aurait fallu que vous voyiez les vilains arr iver, aussi nombreux que des fourmis. L’un porte un gourdin, l’autre une hache, l’autre un fléau, l’autre un bâton d’épine. Brun a très peur pour son échine. Il entend cet orage approcher et pense qu’il vaut mieux perdre le museau que se laisser attraper par Lanfroi, qui arrive en tête avec une hache. Il tire, tire encore – son cuir se tend, ses veines se rompent – si fort que le cuir finit par se fendre . Quelle souffrance! Il en a la tête en bouillie ! Il a perdu des flots de sang et y a laissé le cuir des pattes et de la tête: jamais on ne vit un tel monstre ! Le sang coule de son museau, et il n’a plus sur le visage assez de peau pour faire une bourse! Voilà dans quel état s’enfuit le fils de l’ourse ! Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche II, « Renart et Tiécelin », traduit de l’ancien français par É. Charbonnier © Librairie Générale Française. 1. à bride abattue: très vite. 2 . destrier : cheval. 3. deux coins : deux pièces de bois qui permettent de le tenir écarté (voir l’illustration, p. 195). 4. l’exhorte : l’encourage. 5 . rayon: gâteau de cire.

2 Questionnaire L’action et les circonstances 1. De quelle fa çon Re n a rt t ro m p e - t-il Brun ? Qu’arrive-t-il à Brun ? (2 points) 2. Relevez : – deux compléments circonstanciels de lieu liés au cadre ; (1 point) – un co m p l é m e nt circonstanciel de manière et un de moyen, liés à l’action. À quels personnage s s’appliquent-ils ? (1,5 point) – deux co m p l é m e nts circonstanciels de t e m p s liés à la chronologie des actions. (1 point)

Les personnages 3. a. Qui les pronoms personnels en ro u ge (l. 14) désignent-ils respectivement ? (1,5 point) ? b. Identifiez la fo n ction de ces pronoms. (3 point s) En quoi les fo n ctions grammaticales t raduisentelles les relations entre les personnages ? (1 point)

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4. Relevez deux groupes nominaux par lesquels le narrateur désigne Brun. Quelle image donnet-il de lui ? (1,5 point) 5. a. Relevez les trois reprises du mot vilain. S’agitil de reprises totales ou partielles ? (1,5 point) b. À quoi le groupe nominal ce t ora ge (l. 34) re nvo i e - t-il ? Dans quelle situation Brun se trouvet-il ? (1 point)

La visée 6. Concernant le personnage de Brun, relevez les éléments qui se ré fè re nt au monde animal et ceux qui se réfèrent au monde humain. Quel est l’effet produit ? (2 points) 7. Relevez trois commentaires du narrateur. Quel re ga rd porte-t-il sur Renart ? sur Brun ? À qui sa sympathie va-t-elle ? (3 points)

ÉCRITURE SUJET Vous allez raconter une ruse de Renart dont voici la trame que vous devrez étoffer. Consignes d’écriture  Situation initiale : Ysengrin est affamé. Re n a rt lui p ropose d’aller à la ferme : le paysan vient de t u e r un cochon.  Lieu : le lardier (pièce où les paysans entreposent les viandes).  Actions : Renart pousse Ysengrin à se gaver (luimême ne mange pas car il vient de festoyer). Re n a rt espère qu’il aura la panse pleine et ne pourra plus passer sous la palissade (clôture). Au matin,Ysengrin est coincé. Renart feint de l’aider ; il le martyrise puis s’en va. Le paysan survient avec un bâton; il frappe; sa femme arrive. Apeurée, elle ouvre la porte du lardier.  Dénouement et situation finale : fuite d’Ysengrin et fureur de Renart.

Vous introduirez les éléments suivants : – co m m e nt a i res du narrateur (effets d’annonce, interventions…) ; – ident i f i c ation du cadre (de Maupertuis, château de Renart, à la ferme) ; – personnification animale ; – circonstances ; – dialogue.

Critères de réussite Vous aurez réussi si : – la trame de l’histoire a été respectée et étoffée ; – les reprises nominales et pronominales sont p e rtinentes ; – le dialogue est correctement introduit ; – les temps du récit et du dialogue sont co r re ctement utilisés ; – la visée est respectée.

Quelques mots et expressions… … pour vous aider à réussir votre rédaction Le cadre spatio-temporel

Le lexique de la faim et de la nourriture

 Le mois de mai, le début de la belle saison, l’é p o-  Tenaillé, pressé par la faim, efflanqué, a ffaibli,

que où l’on sale les jambons, le jour point (se lève), au point du jour…  La tanière, Maupertuis, la lisière de la fo rê t , les prés, la futaie, un champ labouré sous les ronciers, le ve rger, le courtil, sous la clôture , le lard i e r, la ferme.

torturé par la famine.  Apaiser sa faim, se rassasier, se régaler, être repu, festoyer, faire bombance.  Re go rger de vict u a i l l e s,j a m b o n s,h u re (tête), é c h i n e , pieds de co c h o n s, q u a rtier de porc , andouille.

Désignations et caractérisation des personnages  Les compères, le vilain.  Renart le fo u r b e , le ro u é , Renart qui a t a nt de tours dans son sac, Re n a rt le rouquin, ce diable de Renart, le glouto n , notre trompeur, Re n a rt qui n’a pas son pareil pour t romper les ge n s, n o t re maître ès ruses…

Les interventions du narrateur  Seigneurs,é co u t ez la triste mésave nt u re arri∂ Illustration (1909) de Benjamin Rabier (1864-1939) pour Le Roman du Renard, éd. Tallandier, 1999.

vée à Ysengrin ! Écoutez la bonne farce de Re n a rt! Voici Ysengrin dans de beaux draps !

6 Le Roman de Renart

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Autres lectures Catherine Missonnier,

Une saison avec les loups (2002). Voici un extrait du roman. La mère de Clément est biologiste, elle étudie le comportement des loups dans les Alpes de Haute-Provence. Ce jour-là, partie avec son fils Clément, elle aperçoit à la jumelle une louve blessée.

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– Elle laisse une traînée de sang derr i è re elle. Elle doit être mal en point pour se déplacer si lentement. Jamais elle n’aurait dû rester si près de nous lorsque nous sommes montés jusqu’ici. Dans son état normal, elle aurait filé depuis longtemps. – En laissant les petits ? – Elle serait revenue les retrouver plus tard pour les déplacer vers un endroit plus sûr. Seulement là, elle n’y parv i e ndra pas. – Elle va rester avec eux, alors ? s’inquiète Clément. Que les agneaux de Jean-François1 se fassent dévorer par les loups ne le dérange pas, mais que les louveteaux, encore aveugles, soient abandonnés par leur mère lui est insupportable. – Sans doute, mais je ne sais pas si elle pourra les nourrir longtemps. Sa blessure peut s’infecter et, surtout, elle aura du mal à descendre boire au torrent. Si elle ne boit pas, elle n’aura plus de lait. – Ils vont mourir ? – J’en ai peur. […] – Si on lui apportait à boire, nous ? propose-t-il. Catherine Missonnier, Une saison avec les loups (2002) © éd. Gallimard Jeunesse. 1. Jean-François : un éleveur de brebis, avec qui la mère de Clément s’est remariée.

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Tenir son carnet de lecture

Le narrateur, le cadre

Le récit animalier

1. À quelle personne le narrateur mène-t-il le récit ? 2. Dans quelle partie de la Fra n ce l’a ction se déroule-t-elle ? Re l evez quelques brefs passage s qui décrivent le cadre de l’action.

5. Re l evez des ex p ressions qui caract é r i s e nt les loups et les louveteaux.Les loups sont-ils personnifiés ou ont-ils leur statut d’animal ? 6. Quelles info r m ations ce roman co nt i e nt- i l concernant les loups d’une part , la vie des éleveurs d’autre part ? 7. a. Quel problème le roman pose-t-il ? b. Quelle image est donnée du loup ?

L’histoire, les personnages 3. Quel est le thème du roman ? Résumez en quelques phrases l’histoire racontée. 4. a. Qui est le personnage principal ? Co m m e nt sa passion pour les loups se manifeste-t-elle ? b. Citez quelques autres personnages. Quel rôle jouent-ils dans l’action ?

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Votre jugement 8. S é l e ct i o n n ez un passage que vous avez particulièrement aimé. Ré s u m ez-le ou re co p i ez-le et dites en quoi il vous a paru fort. 9. Ce roman vous a-t-il plu ? En conseilleriez-vous la lecture ? Justifiez votre réponse.

CHOISIR UNE AUTRE LECTURE Si vous aimez les aventures de Renart… Il existe de multiples éditions du Roman de Renart : co l l e ctions « Livre de poche », « Classiques Hatier », éditions Librio…  « Re n a rt et Chantecler » : Renart at t rape le coq Chantecler, il est poursuivi par les paysans. « Re n a rt et Ti b e rt le chat » : Re n a rt tente de fa i re tomber Tibert dans un piège. « Renart,Tibert et l’andouille »: qui réussira à emporter l’andouille ? « Re n a rt et le corbeau Ti é ce l i n » : Re n a rt essaie de s’e m p a rer du fromage de Ti é ce l i n , il vo u d rait bien prendre aussi le corbeau. « Re n a rtet les anguilles »: Re n a rtrencontre des marchands qui t ransportent des poissons sur une charrette. Il imagine une ruse pour voler les poissons. « Le puits » : Renart tombe dans un puits ; pour en s o rtir il imagine une ruse dont Ysengrin pourrait ê t re la victime. « Re n a rt e t les jambons » : Renart est malade, il se rend c h ez Ysengrin et a p e rço i t trois jambons suspendus. « Re n a rt teinturier » : Renart tombe dans une cuve de teinture jaune. « Re n a rt médecin » : Re n a rt se fait passer pour un médecin. « La mort de Re n a rt»: Re n a rt fait croire qu’il est mort.

Si vous aimez les récits animaliers…  Louis Pe rga u d , De Goupil à Margo t (1910, éd. Gallimard) : Louis Pergaud re p rend les ave nt u res de Renart et leur invente une fin.  James Olivier Curwood, Le Grizzly (1916, éd. Hachette Jeunesse) : l’histoire d’un ourson orphelin, Muskwa.  Jack London, L’Appel de la fo rê t (1903) : l’histoire du chien Buck volé puis vendu comme chien de t ra îneau ; C roc Blanc (1906) : dans le Grand Nord sauva ge et glacé, un jeune loup apprend à lutter pour la vie.  Michael Morpurgo, Le Secret du renard (1984, éd. Po c ke t Jeunesse) : Billy Bunch, e n fa nt abandonné, prend en charge quatre renardeaux orphelins.  Alain Surget, Le Re n a rd de Morlange (1995, éd. Nathan Jeunesse): au Moyen Âge,le seigneur Renaud de Morlange humilie ses pays a n s, sa fa m i l l e. Un ermite qu’il a insulté le condamne à se t ransformer en renard à chaque pleine lune…  Allan W. Ec ke rt , La Renco nt re (2000, éd. Hachette Jeunesse) : le petit Ben Donald s’est p e rdu dans la prairie américaine, il part a ge la vie d’une femelle blaireau à laquelle il s’attache.  J. Kessel, Le Lion (1958) : au Ke nya, l’histo i re d’une amitié entre un lion et une petite fille ( © ex t ra i t , p. 248).

MÉTHODE Préparer un dossier sur un animal 1. Vous allez constituer un dossier sur l’animal dont vous avez lu les avent u re s . Le dossier co nt i e n d ra deux parties : – une partie document a i re avec une fiche d’identité sur l’animal: physique, habitat, nourriture, mode de vie, reproduction, comportement… ; – une partie re nvoya nt au personnage de l’animal tel qu’il appara î t dans la fiction : vous re co p i e rez

quelques passages qui le décrive nt puis vous ré s umerez en quelques lignes ses aventures. 2. Vous illustre rez vo t re dossier par des dessins ou des illustrations que vous aurez photo copiées et que vous légenderez. 3. Vous soignerez la mise en page , i nt roduirez des encadrés.

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