Nouvelles de Maupassant - Hachette

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Maupassant Guy de (chât. de Miromesnil, Tourville-sur-Arques, ...... bijoux… Tout à coup, elle découvrit, dans une boîte de satin noir, une superbe rivière de ...
SÉQUENCE

1

Nouvelles de Maupassant q Découvrir

un auteur et son œuvre

TEXTES & IMAGES

OBJECTIFS

• Textes documentaires sur Guy de Maupassant • Toine, EXTRAIT 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • Toine, EXTRAIT 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • La Folle TEXTE INTÉGRAL . . . . . . . . . . . . .

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q Rédiger la fiche biographique d’un auteur q Étudier un incipit de nouvelle q Apprécier l’écriture de Maupassant q Étudier une nouvelle : un récit complexe un récit réaliste

ŒUVRE INTÉGRALE

• Contes de la Bécasse, Guy de Maupassant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

q Étudier un recueil de nouvelles

FICHE-MÉTHODE : Rendre compte d’une lecture sous forme d’interview L’ÉCHO DU POÈTE

• Promenades et Intérieurs, François Coppée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 FAIRE LE POINT

Un auteur et son œuvre : Guy de Maupassant . . . . . . . . . . . . . 27 S’EXPRIMER

• Maîtriser des outils de langue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 • Oral : Dire une nouvelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 • Écrit : Réviser dialogue, narration, description . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 FLORILÈGE

• Le Papa de Simon, Guy de Maupassant TEXTE INTÉGRAL . . . . . . . . . . . 32 • Lectures personnelles : Biographies romancées d’écrivains . . . . . . . . . . 35 Entrer par l’image ➜ principaux points de langue

• Les différents narrateurs . . . . . . . 17 • Les paroles rapportées dans le récit . 19 • Le rythme du récit . . . . . . . . . . . 22 12

• Les reprises nominales . . 22 • L’accord sujet – verbe . . . 28 • Le récit au passé . . . . . . 28

D’après ce montage d’images, dans quel siècle situez-vous Guy de Maupassant : e e e XVI , XIX , XXI siècle ?

Séquence 1

u Nouvelles de Maupassant

13

Maupassant vers l’âge de 7 ans © coll. SIROT-ANGEL, Photo JOSSE • Façade du château de Miromesnil, 1640 © André Edouard/Photononstop • Cabinet de travail de Maupassant © Hachette Livre • Édouard Manet, En barque, 1874 (détail) Metropolitan Museum of Art, New York © Bridgeman • signature © Hachette Livre

© agence

TEXTES & IMAGES

POUR ENTRER DANS LA SÉQUENCE



Citez un auteur du XVIIe siècle, du XIXe siècle, du XXe siècle. Pour chacun d’eux, indiquez le titre d’une de ses œuvres.

Avant de lire les documents 1. Qu’est-ce qu’une biographie ? 2. Quand on vous demande d’établir la biographie d’un auteur, quel(s) type(s) de documents devez-vous consulter ?

Guy de Maupassant Document 1 Maupassant Guy de (chât. de Miromesnil, Tourville-sur-Arques, Seine-Maritime, 1850 - Paris, 1893), écrivain français. Dirigé par Flaubert (ami d’enfance de sa mère), il exprima son pessimisme dans ses 300 nouvelles naturalistes1, réunies dans des recueils : La Maison Tellier (1881), Mademoiselle Fifi (1882), Contes de la Bécasse (1883), Toine (1885), Le Horla (1887), Le Rosier de Mme Husson (1888). Boule-de-Suif parut dans le recueil collectif des Soirées de Médan (1880). Romans : Une vie (1881), Bel-Ami (1885), Pierre et Jean (1888). Il mourut de la syphilis2.

1. Le naturalisme est un mouvement littéraire qui cherche à rendre la réalité telle qu’elle est. 2. La syphilis est une maladie infectieuse qui perturbe le système nerveux.

Dictionnaire Hachette 2007.

Document 2

GUY DE MAUPASSANT (1850-1893)

. . . . 5 . . . . 10 . . . . 15 . . . . 20 . . . . 25 . . . . 30 .

Il naît le 5 août 1850 au château de Miromesnil

près de Dieppe, en Normandie. À Étretat, dans la campagne normande, le jeune Guy, en pleine liberté, joue avec les petits paysans, et connaît leurs réactions rusées, leurs passions, leur patois. Son premier contact avec la nature est heureux et il ne l’oubliera jamais. Celui avec la société l’est moins : la vie d’un collège religieux convient mal à un adolescent habitué à une certaine liberté de mouvement et de pensée. Au séminaire d’Yvetot, il s’ennuie mais il peut compter sur les vacances à Étretat, les parties de pêche au petit matin, les plaisirs de la natation, la mer qu’il aimera toute sa vie ; il sera renvoyé après quatre ans à la suite d’écrits provocateurs. Il termine ses études au lycée à Rouen. Il a vingt ans quand la guerre de 1870 éclate et il est témoin des scènes de déroute et de résistance. Il n’acceptera jamais les atrocités absurdes, les meurtres gratuits et impunis, la veulerie3 des uns et l’héroïsme des autres qui inspireront longtemps ses contes. Pour gagner sa vie, il entre d’abord au ministère de la Marine, puis à celui de l’Éducation nationale, mais il passe ses fins de semaine en canotant sur la Seine, le long des guinguettes fourmillantes si chères aux impressionnistes4, ou bien il se rend chez Flaubert, ami d’enfance de sa mère. Et c’est grâce à Flaubert qu’il entre en relation avec les principaux écrivains de son temps, français et étrangers. C’est ainsi qu’il participera à l’élaboration des Soirées de Médan, recueil de nouvelles publié en 1880

. . . 35 . . . . 40 . . . . 45 . . . . 50 . . . . 55 . . . . 60 . .

dont fait partie la longue nouvelle Boule-de-Suif qui obtiendra un éclatant succès. Il abandonne son terne travail de fonctionnaire et il devient journaliste et écrivain. Il parvient à très bien vivre de sa plume : trois cents contes qu’il réunit dans une quinzaine de recueils comme La Maison Tellier (1881), les Contes de la Bécasse et Miss Harriet (1884) ; deux cents chroniques qui font de lui un des plus importants journalistes littéraires de son temps ; six romans dont Une vie (1883), Bel-Ami (1886). Son succès et sa richesse lui ouvrent les portes de la haute société ; ce ne sont plus alors les paysans normands, les petits employés des ministères et les jeunes filles rencontrées au bord de la Seine qui l’inspirent, mais ce sont les gens du beau monde dont il traque, avec une sensibilité à vif, les passions souterraines et les méandres sentimentaux5. Depuis longtemps il a contracté la syphilis et il souffre d’atroces migraines, hallucinations, anxiété et crises nerveuses, conséquences aussi d’une maladie mentale héréditaire. Cependant, aussi précis observateur de lui-même que des autres, il utilise les résultats de ses investigations dans ses contes fantastiques et cruels tel Le Horla, qui angoissent le lecteur et lui laissent une sensation de malaise, une fois le livre refermé. Au moment où il se sent menacé par la stérilité créative, il devient réellement fou et il meurt dans une clinique pour maladies mentales, à Passy (Paris), le 6 juillet 1893. D’après le site http://maupassant.free.fr 3. lâcheté.

14

4. groupement de peintres du

XIX e

siècle.

5. complications amoureuses.

q Rédiger la fiche biographique d’un auteur Quelles sources utiliser ? 1. D’où chacun des deux documents provient-il ?

Quelles informations retenir ? La vie © Giraudon / The Bridgeman Art Library

2. Dans lequel des deux documents trouvez-vous principalement des informations relatives à la vie de Maupassant ?

3. En suivant la fiche-méthode ci-dessous, notez au brouillon les informations qui, dans les deux documents, correspondent à la rubrique « sa vie ».

L’œuvre 4. Dans les deux documents, comment repérezvous les titres des livres ? À quels genres littéraires appartiennent-ils ?

Gustave Courbet (1819-1877), Falaise à Étretat, 1870, Musée du Louvre, Paris.

5. Quel événement historique a marqué Maupassant? 6. Quels sont les quatre milieux sociaux qui ont inspiré son œuvre ?

7. En vous servant des deux documents et d’un dictionnaire, définissez le style de Maupassant en choisissant, à chaque fois, l’une des deux propositions : – pessimisme ou optimisme ; – peinture de la réalité ou appel à l’imagination ; – fantastique ou merveilleux.

Exercice d’écriture Rédiger une fiche biographique Pour rédigez votre fiche au propre : – repérez, puis recopiez les titres qui figurent en gras dans la ficheméthode ; – employez des phrases simples ou des phrases nominales.

Faisons le point • Quelles sont les deux grandes rubriques d’une biographie ? • À partir de plusieurs documents, comment sélectionner les informations importantes ?

FICHE-MÉTHODE Fiche biographique AUTEUR (date de naissance - date de mort)

Coll. Kharbine-Tapabor

Sa vie – lieux de naissance et de vie ; – études, métiers, activités ; – principaux événements personnels ; – personnage(s) ou événements(s) ayant marqué l’auteur.

Caricature de Guy de Maupassant par COLL-TOC dans Les Hommes d’aujourd’hui.

Son œuvre • Les genres littéraires Choisissez dans cette liste : roman, nouvelle, théâtre, poésie. Indiquez un titre d’œuvre pour chaque genre littéraire abordé par l’auteur. • Les sujets des œuvres Quel(s) événement(s), personnage(s), milieu(x), sentiment(s) sont évoqués dans l’œuvre de l’auteur ? • Le style Quelles sont les caractéristiques principales de l’art d’écrire de l’auteur ?

Séquence 1

u Nouvelles de Maupassant

15

TEXTES & IMAGES Avant de lire la nouvelle 1. En latin, incipit signifie « il commence » : qu’est-ce qu’un incipit de récit ? 2. Cherchez le sens de l’adjectif éponyme.

Toine Extrait 1 . . . .

Coll. Jonas, Kharbine-Tapabor

5 . . . . 10

Couverture de Toine, 1930.

. . . . 15 . . . . 20 . . . . 25 . . . . 30 . .

1. mesure d’environ quatre kilomètres. 2. cafetier, aubergiste. 3. groupement de quelques maisons à la campagne. 4. arbuste à fleurs jaunes. 5. eau-de-vie flambée avec du sucre. 6. Il s’autorisait à boire aux frais de ses clients. 7. région. 8. boisson distribuée.

. . 35 . . . . 40 .

On le connaissait à dix lieues

1

aux environs le père Toine, le gros Toine, Toine-ma-Fine, Antoine Mâcheblé, dit Brûlot, le cabaretier2 de Tournevent. Il avait rendu célèbre le hameau3 enfoncé dans un pli du vallon qui descendait vers la mer, pauvre hameau paysan composé de dix maisons normandes entourées de fossés et d’arbres. Elles étaient là, ces maisons, blotties dans ce ravin couvert d’herbe et d’ajonc4, derrière la courbe qui avait fait nommer ce lieu Tournevent. Elles semblaient avoir cherché un abri dans ce trou comme les oiseaux qui se cachent dans les sillons les jours d’ouragan, un abri contre le grand vent de mer, le vent du large, le vent dur et salé, qui ronge et brûle comme le feu, dessèche et détruit comme les gelées d’hiver. Mais le hameau tout entier semblait être la propriété d’Antoine Mâcheblé, dit Brûlot, qu’on appelait d’ailleurs aussi souvent Toine et Toine-ma-Fine, par suite d’une locution dont il se servait sans cesse : – Ma Fine est la première de France. Sa Fine, c’était son cognac, bien entendu. Depuis vingt ans il abreuvait le pays de sa Fine et de ses Brûlots5, car chaque fois qu’on lui demandait. – Qu’est-ce que j’allons bé, pé Toine ? Il répondait invariablement : – Un brûlot, mon gendre, ça chauffe la tripe et ça nettoie la tête ; y a rien de meilleur pour le corps. Il avait aussi cette coutume d’appeler tout le monde « mon gendre », bien qu’il n’eût jamais eu de fille mariée ou à marier. Ah ! oui, on le connaissait Toine Brûlot, le plus gros homme du canton, et même de l’arrondissement. Sa petite maison semblait dérisoirement trop étroite et trop basse pour le contenir, et quand on le voyait debout sur sa porte où il passait des journées entières, on se demandait comment il pourrait entrer dans sa demeure. Il y entrait chaque fois que se présentait un consommateur, car Toine-ma-Fine était invité de droit à prélever son petit verre sur tout ce qu’on buvait chez lui6. Son café avait pour enseigne : « Au Rendez-vous des Amis », et il était bien, le pé Toine, l’ami de toute la contrée7. On venait de Fécamp et de Montivilliers pour le voir et pour rigoler en l’écoutant, car il aurait fait rire une pierre de tombe, ce gros homme. Il avait une manière de blaguer les gens sans les fâcher, de cligner de l’œil pour exprimer ce qu’il ne disait pas, de se taper sur la cuisse dans ses accès de gaieté qui vous tirait le rire du ventre malgré vous, à tous les coups. Et puis c’était une curiosité rien que de le regarder boire. Il buvait tant qu’on lui en offrait, et de tout, avec une joie dans son œil malin, une joie qui venait de son double plaisir, plaisir de se régaler d’abord et d’amasser des gros sous, ensuite, pour sa régalade8. Guy de Maupassant, Toine, 1885.

16

q Étudier

un incipit de nouvelle Le point de vue et le narrateur

Le cadre 1. Où le village de Tournevent est-il situé ? À quoi Maupassant le compare-t-il ?

2. Si vous étiez cameraman, quels éléments du décor filmeriezvous dans ce passage : « Sa petite maison […] Amis » (l. 26 à 32) ? Quels seraient les trois plans successifs ?

3. Dans quelle région de France l’action se situe-t-elle? Proposez des éléments à l’appui de votre réponse.

8. À qui le pronom « on » (l. 1, 13, 18 et 25) renvoie-t-il ? 9. Le narrateur est-il un personnage témoin de la scène ? Justifiez à l’aide d’un pronom personnel relevé dans le dernier paragraphe.

10. Le narrateur sait tout de la vie, du passé, de la réputation, des occupations de Toine : comment ce type de narrateur se nomme-t-il ?

11. Le narrateur dresse-t-il un portrait sympathique, antipa-

Un héros dans son cadre

thique, amusé, complice de Toine ? Justifiez votre réponse.

4. Relevez les différents noms du personnage. Quels sont ceux

➜ Les différents types de narrateurs – p. 368

qui correspondent à son métier ? Justifiez.

5. a. Qu’est-ce qui caractérise le personnage physiquement ? b. Lignes 26 à 29 : quel effet Maupassant cherche-t-il à créer pour son lecteur ? c. L I R E L’ I M A G E Comment le dessinateur a-t-il créé ce même effet ?

Faisons le point • Quels éléments du récit cet incipit présente-t-il ? • Quels rapports Maupassant a-t-il créés entre le cadre et le personnage de cette nouvelle ?

6. Quels sont les deux principaux traits de caractère du personnage ? Appuyez votre réponse par des passages du texte.

7. Le diminutif Toine, choisi comme titre éponyme de la nouvelle, correspond-il au portrait que brosse Maupassant dans cet incipit ? Expliquez. ➜ Le nom – p. 294

Exercice d’écriture À partir de cet incipit de nouvelle, imaginez en quelques lignes ce qui pourrait arriver à ce personnage.

Avant de lire la suite de la nouvelle Quelles farce(s) ou comédie(s) avez-vous lue(s) en cinquième ?

Toine est marié à une femme qui a un caractère épouvantable et avec laquelle il se dispute sans cesse. À force de boire, Toine, un jour, a une attaque et reste paralysé. On l’installe dans une petite chambre derrière la cloison du café où ses amis, Célestin Maloisel, Césaire Paumelle, Prosper Horslaville, ne tardent pas à venir lui tenir compagnie chaque aprèsmidi autour de son lit. Extrait 2 . . . 45 . . . . 50

1. de nature graisseuse.

.

2. mépriser en se moquant.

.

Mais la mère Toine devint bientôt insupportable. Elle ne pouvait tolérer

que son gros faignant d’homme continuât à se distraire, en jouant aux dominos dans son lit ; et chaque fois qu’elle voyait une partie commencée, elle s’élançait avec fureur, culbutait la planche, saisissait le jeu, le rapportait dans le café et déclarait que c’était assez de nourrir ce gros suiffeux1 à ne rien faire sans le voir encore se divertir comme pour narguer2 le pauvre monde qui travaillait toute la journée. Célestin Maloisel et Césaire Paumelle courbaient la tête, mais Prosper Horslaville excitait la vieille, s’amusait de ses colères. La voyant un jour plus exaspérée que de coutume, il lui dit : – Hé ! la mé, savez-vous c’que j’f ’rais, mé, si j’étais de vous ? Séquence 1

u Nouvelles de Maupassant

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TEXTES & IMAGES

Elle attendit qu’il s’expliquât, fixant sur . lui son œil de chouette. Il reprit : 55 – Il est chaud comme un four, vot’. . homme, qui n’sort point d’son lit. Eh ben, . mé, j’li f ’rais couver des œufs. . Elle demeura stupéfaite, pensant qu’on se 60 moquait d’elle, considérant la figure . mince et rusée du paysan qui continua : – J’y mettrais cinq sous un bras, cinq . . sous l’autre, l’même jour que je donnerais . la couvée à une poule. Ça naîtrait d’même. 65 Quand ils seraient éclos j’porterais à . vot’poule les poussins de vot’homme . pour qu’a les élève. Ça vous en f ’rait d’la . volaille, la mé ! La vieille interdite demanda : . – Ça se peut-il ? 70 L’homme reprit : . – Si ça s’peut ? Pourqué que ça n’se . . pourrait point ? Pisqu’on fait ben couver . d’s œufs dans une boîte chaude, on peut 75 ben en mett’ couver dans un lit. Elle fut frappée par ce raisonnement et s’en alla, songeuse et calmée. Huit jours plus tard elle entra dans la chambre de Toine avec son tablier plein d’œufs. Et elle dit : – J’viens d’mett’ la jaune3 au nid avec dix œufs. En v’là dix pour té. Tâche de n’point les casser. Toine éperdu4 demanda : – Qué que tu veux ? Elle répondit : – J’veux qu’tu les couves, propre à rien. Il rit d’abord ; puis, comme elle insistait, il se fâcha, il résista, il refusa résolument de laisser mettre sous ses gros bras cette graine de volaille que sa chaleur ferait éclore. Mais la vieille, furieuse, déclara : – Tu n’auras point d’fricot5 tant que tu n’les prendras point. J’verrons ben c’qu’arrivera. Toine, inquiet, ne répondit rien. Quand il entendit sonner midi, il appela : – Hé ! la mé, la soupe est-il cuite ? La vieille cria de sa cuisine : – Y a point de soupe pour té, gros faignant. Il crut qu’elle plaisantait et attendit, puis il pria, supplia, jura, fit des « va-t-au nord » et des « va-t-au sud6 » désespérés, tapa la muraille à coups de poing, mais il dut se résigner à laisser introduire dans sa couche7 cinq œufs contre son flanc gauche. Après quoi il eut sa soupe. Quand ses amis arrivèrent, ils le crurent tout à fait mal, tant il paraissait drôle et gêné.

© Hachette Livre

.

Toine de Guy de Maupassant, gravure de V. Rottenbourg, 1903, colorisation J.-P. Jauzenque. . . . . 80 . . . . 85 . . . . 90 . . .

3. la poule jaune. 4. égaré sous le coup d’une émotion violente. 5. ragoût (familier).

. 95 .

6. retournements sur le lit.

.

7. son lit.

.

Guy de Maupassant, Toine, 1885.

18

q Apprécier

l’écriture de Maupassant

Des dialogues construits et réalistes

Le ton du texte

dialogue, puis du second.

6. a. La proposition de Prosper Horslaville vous paraît-elle sérieuse ? Expliquez. b. Pourquoi, selon vous, fait-il cette proposition à la mère Toine ?

3. Repérez, dans les paroles des trois personnages, deux types

7. À quoi Toine est-il assimilé dans la fonction que lui impose

de déformation des mots qui donnent à entendre le patois normand.

sa femme ? En quoi est-ce comique ?

1. Repérez dans le texte les passages de dialogue. Quels sont les interlocuteurs du premier dialogue ? du second ?

2. Résumez en deux phrases distinctes le contenu du premier

8. L. 84 à 93 : relevez deux apostrophes par lesquelles la mère Toine s’adresse à son mari. Quel en est le niveau de langue ?

Le pouvoir des mots

9. L. 85 à 87 et l. 94 à 97, observez les verbes : le narrateur

4. a. Quel participe passé employé comme adjectif qualifie la mère Toine avant son échange avec Prosper Horslaville ? b. Quels adjectifs la qualifient à la fin de l’échange ? c. Comment cette évolution s’explique-t-elle ?

5. a. Dans le second dialogue (l. 79 à 93), quel est le type de phrases employées par Toine, par sa femme ? Qu’est-ce que cela révèle du rapport de forces en présence ? b. Quel argument la mère Toine utilise-t-elle pour faire pression sur son mari ? c. Qui sort gagnant de l’échange ? Citez un passage à l’appui de votre réponse.

cherche-t-il à amuser ou à apitoyer le lecteur ? Justifiez.

Faisons le point • Comment Maupassant rend-il ces deux dialogues vivants et réalistes ? • Quel est le ton de ce texte : humoristique ? tragique ? sérieux ?

➜ Les paroles rapportées dans le récit – p. 378

Exercices d’écriture 1. Choisissez, parmi les mots et groupes de mots, ceux qui peuvent désigner l’animal représenté sur l’image : bestiole, bête à plumes, boule de duvet, boule de poils, caneton, coq, oisillon, poulet, poussin, tout juste éclos, volatile.

2. En vous aidant de l’image, racontez en un paragraphe la fin

Coll. Kharbine-Tapabor

de la nouvelle. Vous insérerez deux phrases de dialogue en patois normand et vous utiliserez plusieurs des expressions que vous aurez retenues dans l’exercice précédent.

Toine de Guy de Maupassant, illustration Pierre Falké, 1938.

Séquence 1

u Nouvelles de Maupassant

19

TEXTES & IMAGES Avant de lire la nouvelle Cherchez dans votre manuel d’histoire des renseignements sur la guerre de 1870. Quelles étaient les forces en présence ? Quelle fut l’issue de la guerre ?

La folle

texte intégral

Le narrateur s’adresse à des chasseurs, à la fin d’un repas. à Robert de Bonnières . . . . 5 . . . . 10 . . . . 15 . . . .

Coll. Kharbine-Tapabor

20 . . . . 25 . . . . 30 . .

1. oiseaux échassiers migrateurs à long bec.

. .

2. village normand. 3. détruite.

35

4. sans mouvement.

.

5. maladie inflammatoire.

.

6. L’armée d’occupation oblige les habitants à loger ses soldats.

.

7. soldats grossiers et brutaux.

.

20

Tenez, dit M. Mathieu d’Endolin, les bécasses

1

me rappellent une bien

sinistre anecdote de la guerre. Vous connaissez ma propriété dans le faubourg de Cormeil2. Je l’habitais au moment de l’arrivée des Prussiens. J’avais alors pour voisine une espèce de folle, dont l’esprit s’était égaré sous les coups du malheur. Jadis, à l’âge de vingt-cinq ans, elle avait perdu, en un seul mois, son père, son mari et son enfant nouveau-né. Quand la mort est entrée une fois dans une maison, elle y revient presque toujours immédiatement, comme si elle connaissait la porte. La pauvre jeune femme, foudroyée par le chagrin, prit le lit, délira pendant six semaines. Puis, une sorte de lassitude calme succédant à cette crise violente, elle resta sans mouvement, mangeant à peine, remuant seulement les yeux. Chaque fois qu’on voulait la faire lever, elle criait comme si on l’eût tuée. On la laissa donc toujours couchée, ne la tirant de ses draps que pour les soins de sa toilette et pour retourner ses matelas. Une vieille bonne restait près d’elle, la faisant boire de temps en temps ou mâcher un peu de viande froide. Que se passait-il dans cette âme désespérée ? On ne le sut jamais ; car elle ne parla plus. Songeait-elle aux morts ? Rêvassaitelle tristement, sans souvenir précis ? Ou bien sa pensée anéantie3 restait-elle immobile comme de l’eau sans courant ? Pendant quinze années, elle demeura ainsi fermée et inerte4. La guerre vint ; et, dans les premiers jours de décembre, les Prussiens pénétrèrent à Cormeil. Je me rappelle cela comme d’hier. Il gelait à fendre les pierres ; et j’étais étendu moi-même dans un fauteuil, immobilisé par la goutte5, quand j’entendis le battement lourd et rythmé de leurs pas. De ma fenêtre, je les vis passer. Ils défilaient interminablement, tous pareils, avec ce mouvement de pantins qui leur est particulier. Puis les chefs distribuèrent leurs hommes aux habitants6. J’en eus dix-sept. La voisine, la folle, en avait douze, dont un commandant, vrai soudard7, violent, bourru. Pendant les premiers jours, tout se passa normalement. On avait dit à l’officier d’à côté que la dame était malade ; et il ne s’en inquiéta guère. Mais bientôt cette femme qu’on ne voyait jamais l’irrita, il s’informa de la maladie ; on répondit que son hôtesse était couchée depuis quinze ans par suite d’un violent chagrin. Il n’en crut rien sans doute, et s’imagina que la pauvre insensée ne quittait pas son lit par fierté, pour ne pas voir les Prussiens, et ne leur point parler, et ne les point frôler. Il exigea qu’elle le reçut ; on le fit entrer dans sa chambre. Il demanda d’un ton brusque. – Je vous prierai, Matame, de fous lever et de tescentre pour qu’on fous foie.

8. rendue comme folle par l’émotion. 9. toile dont on enveloppe un mort. 10. abondante et serrée.

40 . . . . 45 . . . . 50 . . . . 55 . . . . 60 . . . .

Coll. Kharbine-Tapabor

La Folle de Guy de Maupassant, illustration de La Vie populaire, 1883.

65 .

Elle tourna vers lui ses yeux vagues, ses yeux vides, et ne répondit pas. Il reprit : – Che ne tolérerai bas d’insolence. Si fous ne fous levez pas de ponne volonté, che trouverai pien un moyen de fous faire bromener toute seule. Elle ne fit pas un geste, toujours immobile comme si elle ne l’eût pas vu. Il rageait, prenant ce silence calme pour une marque de mépris suprême. Et il ajouta : – Si vous n’êtes pas tescentue temain… Puis, il sortit. Le lendemain, la vieille bonne, éperdue8 la voulut habiller ; mais la folle se mit à hurler en se débattant. L’officier monta bien vite ; et la servante, se jetant à ses genoux, cria : – Elle ne veut pas, Monsieur, elle ne veut pas. Pardonnez-lui ; elle est si malheureuse. Le soldat restait embarrassé, n’osant, malgré sa colère, la faire tirer du lit par ses hommes. Mais soudain il se mit à rire et donna des ordres en allemand. Et bientôt on vit sortir un détachement qui soutenait un matelas comme on porte un blessé. Dans ce lit qu’on n’avait point défait, la folle, toujours silencieuse, restait tranquille, indifférente aux événements, tant qu’on la laissait couchée. Un homme par derrière portait un paquet de vêtements féminins. Et l’officier prononça en se frottant les mains : – Nous ferrons pien si vous poufez bas vous hapiller toute seule et faire une bétite bromenate. Puis on vit s’éloigner le cortège dans la direction de la forêt d’Imauville. Deux heures plus tard les soldats revinrent tout seuls. On ne revit plus la folle. Qu’en avaient-ils fait ? Où l’avaient-ils portée ? On ne le sut jamais. La neige tombait maintenant jour et nuit, ensevelissant la plaine et les bois sous un linceul9 de mousse glacée. Les loups venaient hurler jusqu’à nos portes. . La pensée de cette femme perdue me hantait ; . et je fis plusieurs démarches auprès de l’autorité . prussienne, afin d’obtenir des renseignements. 70 Je faillis être fusillé. . Le printemps revint. L’armée d’occupation . s’éloigna. La maison de ma voisine restait fermée ; 10 poussait dans les allées. . l’herbe drue . La vieille bonne était morte pendant l’hiver. 75 Personne ne s’occupait plus de cette aventure ; moi . seul y songeais sans cesse. . Qu’avaient-ils fait de cette femme ? S’était-elle . enfuie à travers les bois ! L’avait-on recueillie quelque . part, et gardée dans un hôpital sans pouvoir 80 obtenir d’elle aucun renseignement ? . Rien ne venait alléger mes doutes ; mais, peu à . peu, le temps apaisa le souci de mon cœur. Or, à . l’automne suivant, les bécasses passèrent en masse ; . et, comme ma goutte me laissait un peu de répit, je 85 me traînai jusqu’à la forêt. J’avais déjà tué quatre . ou cinq oiseaux à long bec, quand j’en abattis . un qui disparut dans un fossé plein de branches. . Je fus obligé d’y descendre pour y ramasser ma bête. . Je la trouvai tombée auprès d’une tête de mort. 90 Et brusquement le souvenir de la folle m’arriva Séquence 1

u Nouvelles de Maupassant

21

TEXTES & IMAGES . . . . 95 . .

11. étaient morts.

.

12. triste, malheureuse.

.

13. personne atteinte d’une obsession.

100

dans la poitrine comme un coup de poing. Bien d’autres avaient expiré11 dans ces bois peut-être en cette année sinistre12 ; mais je ne sais pas pourquoi, j’étais sûr, sûr vous dis-je, que je rencontrais la tête de cette misérable maniaque13. Et soudain je compris, je devinai tout. Ils l’avaient abandonnée sur ce matelas, dans la forêt froide et déserte ; et, fidèle à son idée fixe, elle s’était laissée mourir sous l’épais et léger duvet des neiges et sans remuer le bras ou la jambe. Puis les loups l’avaient dévorée. Et les oiseaux avaient fait leur nid avec la laine de son lit déchiré. J’ai gardé ce triste ossement. Et je fais des vœux pour que nos fils ne voient plus jamais de guerre. Guy de Maupassant, « La Folle », Contes de la Bécasse, 1883.

q Étudier

une nouvelle : un récit complexe

La situation d’énonciation 1. a. Relevez les pronoms personnels des deux premières phrases. b. Définissez la situation d’énonciation : qui raconte cette histoire ? à qui ?

2. À quel temps les verbes sont-ils conjugués dans ces deux premières phrases ? Quelle est la valeur de ce temps ?

3. Au début du texte, par quelle expression le narrateur qualifiet-il son récit ? Que signifie cette expression ? ➜ Énoncés et situation d’énonciation – p. 364

Les personnages 9. Relevez les reprises nominales qui correspondent au personnage principal. Quelles sont celles qui reprennent le titre éponyme de la nouvelle ? 10. a. Quelles sont les raisons de la folie du personnage ? b. Citez les expressions du texte qui expriment la manifestation de cette folie.

11. LIRE L’IMAGE Décrivez le personnage de la folle dans l’image p. 21 en réutilisant des expressions du texte. 12. a. À partir de la ligne 28, quel nouveau personnage entre

Le récit et son rythme 4. Le narrateur est-il un personnage du récit ? Justifiez en citant

en scène ? Dans quel contexte historique ? b. Par quels qualificatifs le narrateur le décrit-il ?

une phrase du texte.

13. L’arrivée de ce nouveau personnage aggrave-t-elle ou

5. À partir de la troisième phrase, quels sont les deux temps

allège-t-elle le sort de la folle ? Expliquez. ➜ Les reprises nominales – p. 362

principalement employés, l’un pour la description, l’autre pour le récit ? Donnez un exemple pour chacun d’eux.

6. Par rapport à la situation d’énonciation, ce récit est-il

Un récit enchâssé

antérieur, simultané ou postérieur ?

14. a. Dans les deux dernières phrases du texte, à quel temps

7. Pour chacun de ces deux passages, dites si le récit résume

les verbes sont-ils conjugués ? b. À quel passage de la nouvelle ces deux phrases renvoientelles ?

ou détaille l’histoire : – l. 5 à 7 ; – l. 37 à 47.

15. « Enchâssé » signifie, au sens littéraire, « emboîté » : en

8. L. 55 à 63, le récit informe-t-il le lecteur sur ce qu’ont fait les soldats ? Pourquoi le narrateur a-t-il fait ce choix ?

quoi peut-on dire que cette nouvelle se présente sous la forme d’un récit enchâssé ?

➜ Le rythme du récit – p. 371

Faisons le point • Indiquez quelques éléments qui font de cette nouvelle un récit complexe.

Exercices d’écriture

22

vers le brevet

1. Classez ces indicateurs de temps par groupes de synonymes :

2. Rédigez un paragraphe racontant l’expédition des soldats

après cela, au commencement, enfin, en premier lieu, ensuite, finalement, tout d’abord, ultérieurement.

et de la folle pendant les deux heures. Vous respecterez les éléments du texte. Vous emploierez des indicateurs de temps.

q Étudier

une nouvelle : un récit réaliste

L’occupation prussienne 1. Par lequel des cinq sens le narrateur perçoit-il l’arrivée des Prussiens ? Justifiez.

2. a. L. 38 à 46 : peut-on parler d’un dialogue entre l’officier et la folle ? Expliquez. b. Prononcez à voix haute les paroles de l’officier : que Maupassant cherche-t-il à traduire ?

3. L. 30 à 61 : quelles réactions successives la folle provoquet-elle chez l’officier ?

Le regard du narrateur 4. a. Relevez le sujet des verbes voir et revoir (l. 55, 62 et 64). b. À travers les yeux de qui la scène du cortège est-elle donnée à voir ? c. Si vous filmiez cette scène, quels seraient les plans successifs ? d. Le narrateur connaît-il les projets de l’officier ? Citez des phrases à l’appui de votre réponse.

5. L. 64 et 77 à 80 : a. Par quel type de phrases le narrateur souligne-t-il l’atmosphère de mystère autour de la folle ? b. Quel sentiment la folle inspire-t-elle au narrateur ? Justifiez.

6. À partir de la ligne 84, à quelle personne le récit est-il écrit ? En quoi cela est-il important pour le lecteur ? 7. L. 94 à 98 : Qui explique la mort de la folle ? Quel effet ces explications visent-elles à produire sur le lecteur ? Expliquez. ➜ Les différents types de narrateurs – p. 368

Faisons le point • Pour vous, quels passages de la nouvelle donnent une impression de réalité ? Justifiez. • Quel aspect de l’occupation Maupassant dénonce-t-il dans ce texte ?

Exercices d’écriture 1. Développez les lignes 62 à 63 en adoptant le point de vue des Prussiens.

2. Résumez la «bien sinistre anecdote» racontée par M. Mathieu d’Endolin.

© AKG-images / Electa

Critères de réussite – Votre résumé n’excédera pas dix lignes. – Vous le rédigerez à la première personne.

– Vous respecterez la chronologie du récit. – Vous ne rendrez compte que des éléments essentiels : • la folie de la voisine ; • l’arrivée des Prussiens ; • les exigences du commandant ; • la disparition de la folle ; • la découverte du cadavre.

I. Rollin, Forêt enneigée, 1890, Brescia, Italie.

Séquence 1

u Nouvelles de Maupassant

23

ŒUVRE INTÉGRALE

Étudier un recueil de nouvelles

Contes de la Bécasse

Maupassant, 1883

A Prendre connaissance de l’œuvre Le titre du recueil > Lire le texte introducteur : « La Bécasse ». 1. a. En quoi consiste la coutume appelée le « conte de la Bécasse » ? b. Comment l’auteur regroupe-t-il les récits du recueil ?

© Livre de Poche Jeunesse / Ill. Charlotte Gastaut

2. a. Relevez, à la fin du texte, l’homonyme de « compter ». b. Proposez un synonyme de ce verbe. c. Qu’est-ce qu’un « conte » pour vous ? d. D’après la biographie de Maupassant pp. 183 à 187 dans votre recueil, faut-il s’attendre à lire des contes merveilleux ? La table des matières > Consulter la table des matières. 3. Quels sont les titres qui désignent un héros éponyme (qui donne son nom à la nouvelle) ?

4. Quels sont les titres qui évoquent la Normandie ? 5. Cherchez dans un dictionnaire les mots des titres dont vous ne savez pas le sens.

B Réaliser un défi-lecture

Réalisation 3. En un temps limité, chaque groupe doit répondre aux questions des autres groupes et remettre ses réponses au professeur qui comptabilisera les points acquis.

© AKG-Images

> Lire l’ensemble des contes. Mise en jambes 1. Pour tester votre lecture, répondez aux trois questions suivantes : a. Dans quelle nouvelle est-il question d’un chien ? 1 point. b. Quelle nouvelle l’iconographie de la première de couverture illustre-t-elle ? 2 points. c. Dans quelle nouvelle trouve-t-on un personnage qui s’appelle le Père Malandain ? 3 points.

Préparation 2. À votre tour, par groupes de cinq élèves, préparez : – deux questions à 1 point ; – deux questions à 2 points ; – deux questions à 3 points. Les points varient selon la difficulté des questions. Chaque groupe remet ses questions au professeur qui les valide.

J.-J. Audubon (1780-1851), « Bécasses », Les Oiseaux d’Amérique, 1827-38, Musée national d’histoire naturelle, Paris.

24

C Mener une étude thématique 1. Reproduisez le tableau ci-dessous et complétez-le. Attention ! Certains contes peuvent correspondre à plusieurs critères. 2. Utilisez votre tableau pour répondre aux questions suivantes : a. Où l’histoire des contes se situe-t-elle ? b. Quelles visions de la guerre de 1870 Maupassant proposet-il ? c. Quels sont les thèmes que Maupassant développe le plus ? d. Dans quel conte chacun des thèmes vous paraît-il le mieux exprimé ? Justifiez. e. Citez un conte à tonalité humoristique, un à tonalité pessimiste.

Titre du conte

Lieu Normandie

D Présenter des nouvelles sous forme d’interview Sujet Par deux, vous allez présenter à la classe une nouvelle du recueil Contes de la Bécasse. Préparation – Organisez-vous par groupes de deux élèves : un journaliste et Maupassant. Prévoyez une prestation de cinq minutes. – Pour réaliser l’interview, suivez les indications de la ficheméthode. – Pour vous aider à bien lire, vous pouvez écouter au CDI les cassettes : Deux nouvelles de Maupassant (La Martine, Petit Soldat), CRDP, 1997, nouvelles lues • Aux champs, série L’ami Maupassant, éditions Mélicerte, 1986, adaptation filmique.

Période Ailleurs

1870

Thèmes Avarice

Boisson

Amour

Femme malheureuse

La Folle ...............

H. Perron et Briggs, Portrait de William Wells, coll. particulière.

FICHE-MÉTHODE Rendre compte d’une lecture sous forme d’interview

© Peter Nework American Picture Bridgeman

Préparation 1. Repérer dans les textes étudiés ou lus des thèmes importants et des caractéristiques de l’écriture de l’auteur. 2. Choisir dans les textes des passages représentatifs des thèmes et / ou de l’écriture de l’auteur. 3. S’entraîner à lire ou à réciter ces textes avec expressivité. 4. Élaborer une série de questions et de réponses qui permettent de présenter les éléments retenus dans les deux premières questions. Présentation 5. Présenter cette interview à deux voix : le journaliste et l’auteur. 6. Ne pas lire ses notes mais donner l’impression d’un dialogue en direct. 7. Prévoir un accueil rapide de l’auteur par le journaliste. 8. Prévoir une phrase de conclusion formulée par le journaliste.

Séquence 1

u Nouvelles de Maupassant

25

© Bridgeman Art Library

L’ É C H O D U P O È T E

Auguste Renoir (1841-1919), Rameurs à Chatou, 1879, National Gallery of Art, Washington, DC.

Vous êtes dans le vrai, canotiers, calicots !… . . . . 5 . . . . 10

Vous êtes dans le vrai, canotiers, calicots ! 1

François Coppée (1842-1908). Poète, dramaturge et romancier français.

Pour voir des boutons d’or et des coquelicots, Vous partez, le dimanche, et remplissez les gares De femmes, de chansons, de joie et de cigares, Et, pour être charmants et faire votre cour, Vous savez imiter les cris de basse-cour. Vous avez la gaîté peinte sur la figure. Pour vous, le soir qui vient, c’est la tonnelle2 obscure Où, bruyants et grivois3, vous prenez le repas ; Et le soleil couchant ne vous attriste pas.

1. employé de magasin. 2. petite construction en tressage de bois ou de métal, couverte de végétation et formant abri. 3. prenant de la liberté avec les femmes.

François Coppée, Promenades et Intérieurs, 1872.

Un poème en écho 1. À quel élément de la biographie de Maupassant ce poème et ce tableau renvoient-ils ?

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Un poème à réciter 2. Adoptez un ton très gai et un rythme entraînant.

FA I R E L E P O I N T

Un auteur et son œuvre : Guy de Maupassant 1. Connaître un auteur

2. Le genre littéraire de la nouvelle

3. Maupassant

Pour connaître un auteur, il faut : • savoir le situer dans une époque et dans un lieu ; • savoir quel(s) est (sont) le(s) genre(s) littéraire(s) qui le caractérise(nt) : roman, nouvelle, théâtre, poésie… ; • repérer au fil des lectures des thèmes (sujets) chers à l’auteur et des caractéristiques de son écriture. Pour cela, on compare des biographies de sources différentes, dans des articles de dictionnaire, des manuels, des encyclopédies, des notices accompagnant des œuvres de l’auteur, des rubriques dans un journal.

Le genre de la nouvelle s’impose au XIXe siècle ; elle est alors souvent appelée « conte ». Il existe différentes sortes de nouvelles : réalistes, fantastiques, policières. Une nouvelle se caractérise par sa brièveté, un nombre restreint de personnages, l’ancrage dans le réel, une action relativement simple, souvent unique, une force du récit qui lui confère de l’intensité. En général, les nouvelles sont regroupées dans un recueil choisi par l’auteur ou par un éditeur.

Guy de Maupassant est un auteur français du XIXe siècle, il a vécu en Normandie et a connu la guerre de 1870. Il a regroupé certaines de ses nouvelles en recueil, c’est le cas des Contes de la Bécasse. Les 300 nouvelles de Maupassant se reconnaissent à un certain nombre de critères : • des sujets récurrents (qui se répètent) : le monde rural normand, les plaisirs champêtres (dont la chasse) et en bord de Seine, la mer, les bureaux parisiens, la guerre de 1870, mais aussi l’avarice, les amours déçues, la femme malheureuse, la bêtise, la boisson ; • des nouvelles tantôt réalistes, tantôt fantastiques (voir l’Atelier d’écriture p. 64) ; • un ton soit humoristique, soit pessimiste, par exemple à travers la peinture de la cruauté de la vie, la caricature de la bêtise et des défauts humains ou la fin tragique de certaines nouvelles.

Une manière d’écrire L’auteur Guy de Maupassant est celui qui écrit des nouvelles. Dans ses récits, il fait intervenir un narrateur à la 1re ou à la 3e personne qui raconte l’histoire d’un ou de plusieurs personnages.

Un souci de réalisme dans les descriptions et dans les dialogues (patois normand).

Une variété des sujets abordés et des tons employés.

De nombreux dialogues dans des scènes quasi théâtrales, d’où de nombreuses adaptations au théâtre, au cinéma et en bande dessinée.

Séquence 1

Une aptitude à varier le rythme des récits et celui des phrases.

u Nouvelles de Maupassant

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S’EXPRIMER

q Maîtriser des outils de langue

➜ ORTHOGRAPHE

➜ GRAMMAIRE

Bien préparer la dictée

Employer correctement

© Guidhall Gallery, Londres, © Bridgeman

Avant d’aller au bal au Ministère, Mme Loisel se rend chez une amie afin de lui emprunter des bijoux…

Tout à coup, elle découvrit, dans une boîte de satin noir, une superbe rivière de diamants; et son cœur se mit à battre d’un désir immodéré. Ses mains tremblaient en la prenant. Elle l’attacha autour de sa gorge, sur sa robe montante, et demeura en extase devant ellemême. Puis, elle demanda, hésitante, pleine d’angoisse : – Peux-tu me prêter cela, rien que cela ? – Mais oui, bien certainement. Elle sauta au cou de son amie, l’embrassa avec emportement, puis s’enfuit avec le trésor. Guy de Maupassant, La Parure, 1885.

Alfred Stevens (1823-1906), Hiver.

1. Relever tous les verbes conjugués au passé simple, en les classant par groupes et en soulignant la désinence (terminaison). 2. Sur quel adjectif l’adverbe « certainement » est-il formé ? Quel est son suffixe ?

Accorder les participes passés employés comme adjectifs Accordez les participes passés des verbes entre parenthèses en précisant, pour chacun, le nom auquel il se rapporte.

Elles marchaient d’un pas plus court et plus vif que leurs hommes, la taille sèche, droite et (draper) dans un petit châle (étriquer), (épingler) sur leur poitrine plate, la tête (envelopper) d’un linge blanc (coller) sur les cheveux et (surmonter) d’un bonnet. Guy de Maupassant, La Ficelle, 1884.

➜ CONJUGAISON Conjuguer au passé simple Conjuguez au passé simple les verbes entre parenthèses.

Il (sortir) de sa cour, (se glisser) dans le bois, (gagner) le four à plâtre, (pénétrer) au fond de la longue galerie et, ayant retrouvé par terre les vêtements du mort, il (s’en vêtir). Alors, il (se mettre) à rôder par les champs, rampant, suivant les talus pour se cacher, écoutant les moindres bruits, inquiet comme un braconnier. Lorsqu’il (croire) l’heure arrivée, il (se rapprocher) de la route et (se cacher) dans une broussaille. Il (attendre) encore. Enfin, vers minuit, un galop de cheval (sonner) sur la terre dure du chemin. L’homme (mettre) l’oreille à terre pour s’assurer qu’un seul cavalier s’approchait, puis il (s’apprêter). Guy de Maupassant, Le Père Milon, 1883.

28

vers le brevet

les temps dans un récit au passé Maître Hautecorne, de Bréauté, (venir) d’arriver à Goderville, et il (se diriger) vers la place, quand il (apercevoir) par terre un petit bout de ficelle. Maître Hautecorne, économe, en vrai Normand, (penser) que tout (être) bon à ramasser qui peut servir, et il (se baisser) péniblement car il (souffrir) de rhumatismes. Il (prendre) par terre le morceau de corde mince, et il (se disposer) à le rouler avec soin, quand il (remarquer) sur le seuil de sa porte maître Malandrin qui le (regarder). Guy de Maupassant, La Ficelle, 1884.

1. Recopiez ce texte en employant les temps du passé (passé simple ou imparfait) qui conviennent.

2. Recopiez le texte en remplaçant « Maître Hautecorne » par « Maître Hautecorne et son fils » ; faites toutes les modifications nécessaires.

Analyser les expansions du nom Relevez les expansions des noms en gras en les classant : – adjectifs qualificatifs ou participes passés employés comme adjectifs ; – propositions subordonnées relatives ; – GN compléments du nom.

Le ciel humide et gris semblait peser sur la vaste plaine brune. L’odeur de l’automne, odeur triste des terres nues et mouillées, des feuilles tombées, de l’herbe morte, rendait plus épais et plus lourd l’air stagnant du soir. Les paysans travaillaient encore, épars dans les champs, en attendant l’heure de l’Angélus qui les rappellerait aux fermes dont on apercevait, çà et là, les toits de chaume à travers les branches des arbres dépouillés qui garantissaient contre le vent les clos des pommiers. Guy de Maupassant, Le Père Amable, 1886.

Reconstituer un dialogue et sa ponctuation En observant les pronoms personnels, les types de phrases, les interjections, les verbes de parole, recopiez le texte de façon à reconstituer le dialogue. Rétablissez la ponctuation du dialogue.

Mme Loisel quitte le bal du Ministère et rentre chez elle avec son mari... Mais soudain elle poussa un cri. Elle n’avait plus sa rivière autour du cou ! Son mari, à moitié dévêtu déjà, lui demanda. Qu’est-ce que tu as? Elle se tourna, affolée. J’ai…, j’ai…, je n’ai plus la rivière de Mme Forestier. Il se dressa, éperdu. Quoi !… Comment !… Ce n’est pas possible ! Et ils cherchèrent dans les plis de la robe, dans les plis du manteau, dans les poches, partout. Ils ne la trouvèrent point. Il demandait. Es-tu sûre que tu l’avais encore en quittant le bal ? Oui, je l’ai touchée dans le vestibule du ministère. Mais, si tu l’avais

Leçons de langue :

Coll. Kharbine-Tapabor, © Adagp, Paris 2007

• Le passé simple – p. 282 • L’accord sujet – verbe – p. 340 • Les accords du participe passé – p. 344 • Les reprises nominales – p. 362 • Le récit au passé – p. 373

André Raffray (né en 1925), Illustration pour La Ficelle, 1965.

perdue dans la rue, nous l’aurions entendue tomber. Elle doit être dans le fiacre. Guy de Maupassant, La Parure, 1885.

Ils demeuraient immobiles sans ouvrir la bouche. Le Prussien, toujours calme, reprit en étendant la main vers la rivière : « Songez que dans cinq minutes vous serez au fond de cette eau. […] » Les deux pêcheurs restaient debout et silencieux. L’Allemand donna des ordres dans sa langue. […] Et douze hommes vinrent se placer à vingt pas, le fusil au pied. L’officier reprit : « Je vous donne une minute, pas deux secondes de plus. » Puis il se leva brusquement, s’approcha des deux Français, prit Morissot sous le bras, l’entraîna plus loin, lui dit à voix basse : « Vite, ce mot d’ordre, votre camarade ne saura rien, j’aurai l’air de m’attendrir. » Morissot ne répondit rien. Le Prussien entraîna alors M. Sauvage et lui posa la même question. M. Sauvage ne répondit pas. Guy de Maupassant, Deux amis, 1883.

➜ VOCABULAIRE Repérer des reprises nominales

1. Relevez dans le texte les verbes et groupes verbaux introduisant le dialogue.

2. Quels sont ceux que vous pourriez remplacer par : souffler,

Maître Chiquet, exaspéré, se précipitant sur le maraudeur, le roua de coups, tapant comme un forcené, comme tape un paysan volé, avec le poing et avec le genou par tout le corps de l’infirme, qui ne pouvait se défendre. Les gens de la ferme arrivaient à leur tour qui se mirent avec le patron à assommer le mendiant. […] Cloche, à moitié mort, saignant et crevant de faim, demeura couché sur le sol. Le soir vint, puis la nuit, puis l’aurore. Il n’avait toujours pas mangé. Vers midi, les gendarmes parurent et ouvrirent la porte avec précaution, s’attendant à une résistance, car maître Chiquet prétendait avoir été attaqué par le gueux et ne s’être défendu qu’à grand-peine. Guy de Maupassant, Le Gueux, 1884.

1. Dans le texte, relevez les noms et groupes nominaux qui désignent : a. maître Chiquet ; b. le maraudeur.

2. Donnez le sens des mots que vous avez relevés. 3. En vous appuyant sur ces deux relevés, dites à qui va la sympathie du narrateur.

Repérer et utiliser des verbes de parole

enchaîner, murmurer, ordonner ?

3. Dans la liste, quels sont les verbes que vous pourriez utiliser pour faire parler les deux amis : a. en mettant en valeur leur peur ? b. en soulignant leur volonté de rébellion ? Liste : balbutier, rétorquer, marmonner, répliquer, affirmer, susurrer, bégayer, tonner, s’insurger.

Repérer et utiliser des connecteurs temporels J’avais alors pour voisine une espèce de folle, dont l’esprit s’était égaré sous les coups du malheur. Jadis, à l’âge de vingt-cinq ans, elle avait perdu, en un seul mois, son père, son mari et son enfant nouveau-né. Quand la mort est entrée une fois dans une maison, elle y revient presque toujours immédiatement, comme si elle connaissait la porte. La pauvre femme, foudroyée par le chagrin, prit le lit, délira pendant six semaines. Puis, une sorte de lassitude calme succédant à cette crise violente, elle resta sans mouvement. Guy de Maupassant, La Folle, 1883.

Les deux amis, livides, côte à côte, les mains agitées d’un léger tremblement nerveux, se taisaient. L’officier reprit : « Personne ne le saura jamais, vous rentrerez paisiblement. Le secret disparaîtra avec vous. Si vous refusez, c’est la mort, et tout de suite, choisissez.»

1. Relevez dans cet extrait tous les adverbes, conjonctions de subordination, GN exprimant le temps.

2. Proposez, chaque fois que c’est possible, un mot ou un groupe de mots synonyme.

Séquence 1

u Nouvelles de Maupassant

29

S ’ E X P R I M E R À L’ O R A L

1

q Dire une nouvelle

Travailler le rythme SUJET A : Lisez cet extrait de La Folle en tenant compte des pauses liées à la ponctuation (deux barres obliques) et des pauses secondaires (une barre oblique), et en insistant sur les groupes de mots soulignés.

Tenez, // dit M. Mathieu d’Endolin //, les bécasses me rappellent une bien sinistre anecdote de la guerre. // Vous connaissez ma propriété / dans le faubourg de Cormeil. // Je l’habitais / au moment de l’arrivée des Prussiens. // J’avais alors / pour voisine / une espèce de folle dont l’esprit s’était égaré sous les coups du malheur. // Jadis, // à l’âge de vingt-cinq ans, // elle avait perdu, // en un seul mois, // son père, / son mari / et son enfant nouveau-né. SUJET B : Apprenez par cœur cette phrase et exercez-vous à la dire selon les pauses et les insistances indiquées.

On le connaissait à dix lieues aux environs / le père Toine, // le gros Toine, // Toine-ma-Fine, // Antoine Mâcheblé, // dit Brûlot, // le cabaretier de Tournevent.

2

3

Oraliser récit et dialogue SUJET : Vous allez par groupes de trois improviser un dialogue à partir de ces vignettes de BD.

Méthode à suivre • Se répartir les rôles : un narrateur et les deux personnages. un scénario possible en tenant compte du décor et des deux personnages. Prévoir une dizaine de répliques échangées entre les deux personnages.

• Inventer •

Critères de réussite • Alterner récit et dialogue. • Bien enchaîner les interventions du narrateur • •

et des deux personnages. Faire ressortir le caractère des deux personnages à travers les dialogues. Trouver un ton adapté à la situation.

Lire avec expressivité © M. Sevestre / Petit à Petit

SUJET : Choisissez dix lignes de La Folle p. 20 pour les dire devant la classe.

Méthode à suivre • Entraînez-vous à les lire de la même façon que dans l’activité 1. • Veillez à varier vos intonations si l’extrait choisi présente : – des passages de dialogue ; – une alternance de récit et de description ; – des passages exprimant les pensées du narrateur.

4

Muriel Sevestre, « La Parure », Contes de Maupassant en bandes dessinées.

Mettre en scène un passage de Toine SUJET : Vous allez jouer devant vos camarades ce passage de Toine, p. 18 (l. 77 à 93).

Méthode à suivre • Repérez les passages de récit que vous jouerez et les passages de • • •

30

dialogue que vous direz. Observez les verbes de parole qui vous donnent des indications sur l’intonation. Imaginez la position des personnages, leurs déplacements éventuels. Préparez les accessoires utiles à la mise en scène.

Critères de réussite • Traduire le comique de la scène. • Faire ressortir le caractère opposé des deux • • •

personnages. Bien exprimer le patois normand. Rendre l’aspect vivant de la scène par les gestes, l’occupation de l’espace scénique. Traduire le caractère des deux personnages par l’expression du visage.

S ’ E X P R I M E R À L’ É C R I T

5

q Réviser dialogue, narration, description

Développer un dialogue dans un récit SUJET : Récrivez ce passage de Toine, en développant le dialogue entre Toine et sa femme.

Il crut qu’elle plaisantait et attendit, puis il pria, supplia, jura, fit des « va-t-au nord » et des « va-t-au sud » désespérés, tapa la muraille à coups de poing, mais il dut se résigner à laisser introduire dans sa couche cinq œufs contre son flanc gauche. Après quoi il eut sa soupe.

Critères de réussite • Respecter la situation, les rapports entre les personnages. • Faire alterner récit et dialogue. • Utiliser la ponctuation qui convient pour insérer un dialogue • • • •

6

dans un récit. Utiliser les verbes de parole du texte et en ajouter d’autres. Varier les reprises nominales. Employer un niveau de langue courant. Réutiliser une ou deux expressions normandes.

Rédiger la suite d’un récit SUJET : Rédigez la suite de l’incipit de cette nouvelle.

Quand j’entrai dans la salle des voyageurs de la gare de Loubain, mon premier regard fut pour l’horloge. J’avais à attendre deux heures dix minutes l’express de Paris. Je me sentis las soudain comme après dix lieues à pieds ; puis je regardai autour de moi comme si j’allais découvrir sur les murs un moyen de tuer le temps ; puis je ressortis et m’arrêtai devant la porte de la gare, l’esprit travaillé par le désir d’inventer quelque chose à faire. Guy de Maupassant, Madame Baptiste, 1882.

Méthode à suivre • Repérez dans le texte •

des informations concernant le narrateur, le lieu, l’époque. Observez les temps des verbes.

Critères de réussite • Imaginer une ou deux péripéties ainsi qu’une situation finale. • Choisir un narrateur masculin qui s’exprime à la première

7

Rédiger un paragraphe de description SUJET : À la manière de Maupassant, décrivez un lieu de votre choix en ménageant un effet de zoom.

Elles étaient là, ces maisons, blotties dans ce ravin couvert d’herbe et d’ajonc, derrière la courbe qui avait fait nommer ce lieu Tournevent. […] La petite maison [de Toine] semblait dérisoirement trop étroite et trop basse pour le contenir. […] Son café avait pour enseigne « Au Rendezvous des Amis ». Guy de Maupassant, Toine, 1885.

Critères de réussite • Rédiger trois phrases : – la première évoque une vision d’ensemble du lieu choisi ; – la deuxième décrit un élément de ce lieu ; – la troisième décrit un détail de cet élément.

personne.

• Respecter l’époque du texte ainsi que le lieu. • Construire des paragraphes cohérents. • Rédiger le récit au passé simple. • Respecter une conjugaison et une orthographe

correctes (audelà de dix erreurs, l’orthographe sera pénalisée de 1 à 2 points).



Vous écrirez votre description à l’imparfait de l’indicatif.

Séquence 1

u Nouvelles de Maupassant

31

FLORILÈGE

texte intégral

Pour le bilan de séquence

Le papa de Simon

1er décembre 1879 . . . . 5 . . . . 10 . . . . 15 . . . . 20 . . . . 25 . . . . 30 . . . . 35 . . . . 40 . . . . 45 . . . .

M

idi finissait de sonner. La porte de l’école s’ouvrit, et les gamins se précipitèrent en se bousculant pour sortir plus vite. Mais au lieu de se disperser rapidement et de rentrer dîner, comme ils le faisaient chaque jour, ils s’arrêtèrent à quelques pas, se réunirent par groupes et se mirent à chuchoter. C’est que, ce matin-là, Simon, le fils de la Blanchotte, était venu à la classe pour la première fois. Tous avaient entendu parler de la Blanchotte dans leurs familles ; et quoiqu’on lui fît bon accueil en public, les mères la traitaient entre elles avec une sorte de compassion un peu méprisante qui avait gagné les enfants sans qu’ils sussent1 du tout pourquoi. Quant à Simon, ils ne le connaissaient pas, car il ne sortait jamais et il ne galopinait point avec eux dans les rues du village ou sur les bords de la rivière. Aussi ne l’aimaient-ils guère ; et c’était avec une certaine joie, mêlée d’un étonnement considérable, qu’ils avaient accueilli et qu’ils s’étaient répété l’un à l’autre cette parole dite par un gars de quatorze ou quinze ans qui paraissait en savoir long tant il clignait finement des yeux : Vous savez… Simon… eh bien, il n’a pas de papa. Le fils de la Blanchotte parut à son tour sur le seuil de l’école. Il avait sept ou huit ans. Il était un peu pâlot, très propre, avec l’air timide, presque gauche. Il s’en retournait chez sa mère quand les groupes de ses camarades, chuchotant toujours et le regardant avec les yeux malins et cruels des enfants qui méditent un mauvais coup, l’entourèrent peu à peu et finirent par l’enfermer tout à fait. Il restait là, planté au milieu d’eux, surpris et embarrassé, sans comprendre ce qu’on allait lui faire. Mais le gars qui avait apporté la nouvelle, enorgueilli du succès obtenu déjà, lui demanda : – Comment t’appelles-tu, toi ? Il répondit : « Simon. » – Simon quoi ? reprit l’autre. L’enfant répéta tout confus : « Simon. » Le gars lui cria : « On s’appelle Simon quelque chose… c’est pas un nom ça… Simon. » Et lui, prêt à pleurer, répondit pour la troisième fois : – Je m’appelle Simon. Les galopins se mirent à rire. Le gars triomphant éleva la voix : « Vous voyez bien qu’il n’a pas de papa. » Un grand silence se fit. Les enfants étaient stupéfaits par cette chose extraordinaire, impossible, monstrueuse – un garçon qui n’a pas de papa – ils le regardaient comme un phénomène, un être hors de la nature, et ils sentaient grandir en eux ce mépris, inexpliqué jusque-là, de leurs 1. sachent.

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mères pour la Blanchotte. Quand à Simon, il s’était appuyé contre un arbre pour ne pas tomber ; et il restait comme atterré par un désastre irréparable. Il cherchait à s’expliquer. Mais il ne pouvait rien trouver pour leur répondre, et démentir cette chose affreuse qu’il n’avait pas de papa. Enfin, livide, il leur cria à tout hasard : « Si, j’en ai un. » – Où est-il ? demanda le gars. Simon se tut ; il ne savait pas. Les enfants riaient, très excités ; et ces fils des champs, plus proches des bêtes, éprouvaient ce besoin cruel qui pousse les poules d’une basse-cour à achever l’une d’entre elles aussitôt qu’elle est blessée. Simon avisa tout à coup un petit voisin, le fils d’une veuve, qu’il avait toujours vu, comme lui-même, tout seul avec sa mère. – Et toi non plus, dit-il, tu n’as pas de papa. – Si, répondit l’autre, j’en ai un. – Où est-il ? riposta Simon. – Il est mort, déclara l’enfant avec une fierté superbe, il est au cimetière, mon papa. Un murmure d’approbation courut parmi les garnements, comme si ce fait d’avoir son père mort au cimetière eût grandi leur camarade pour écraser cet autre qui n’en avait point du tout. Et ces polissons, dont les pères étaient, pour la plupart, méchants, ivrognes, voleurs et durs à leurs femmes, se bousculaient en se serrant de plus en plus, comme si eux, les légitimes, eussent voulu étouffer dans une pression celui qui était hors la loi. L’un, tout à coup, qui se trouvait contre Simon, lui tira la langue d’un air narquois et lui cria : – Pas de papa ! pas de papa ! Simon le saisit à deux mains aux cheveux et se mit à lui cribler les jambes de coups de pieds, pendant qu’il lui mordait la joue cruellement. Il se fit une bousculade énorme. Les deux combattants furent séparés, et Simon se trouva frappé, déchiré, meurtri, roulé par terre, au milieu du cercle des galopins qui applaudissaient. Comme il se relevait, en nettoyant machinalement avec sa main sa petite blouse toute sale de poussière, quelqu’un lui cria : – Va le dire à ton papa. Alors il sentit dans son cœur un grand écroulement. Ils étaient plus forts que lui, ils l’avaient battu, et il ne pouvait point leur répondre, car il sentait bien que c’était vrai qu’il n’avait pas de papa. Plein d’orgueil, il essaya pendant quelques secondes de lutter contre les larmes qui l’étranglaient. Il eut une suffocation, puis, sans cris, il se mit à pleurer par grands sanglots qui le secouaient précipitamment.

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Alors une joie féroce éclata chez ses ennemis, et naturellement, ainsi que les sauvages dans leurs gaietés terribles, ils se prirent par la main et se mirent à danser en rond autour de lui, en répétant comme un refrain : « Pas de papa ! pas de papa ! » Mais Simon tout à coup cessa de sangloter. Une rage l’affola. Il y avait des pierres sous ses pieds ; il les ramassa et, de toutes ses forces, les lança contre ses bourreaux. Deux ou trois furent atteints et se sauvèrent en criant ; et il avait l’air tellement formidable qu’une panique eut lieu parmi les autres. Lâches, comme l’est toujours la foule devant un homme exaspéré, ils se débandèrent et s’enfuirent. Resté seul, le petit enfant sans père se mit à courir vers les champs, car un souvenir lui était venu qui avait amené dans son esprit une grande résolution. Il voulait se noyer dans la rivière. Il se rappelait en effet que, huit jours auparavant, un pauvre diable qui mendiait sa vie s’était jeté dans l’eau parce qu’il n’avait plus d’argent. Simon était là lorsqu’on le repêchait ; et le triste bonhomme, qui lui semblait ordinairement lamentable, malpropre et laid, l’avait alors frappé par son air tranquille, avec ses joues pâles, sa longue barbe mouillée et ses yeux ouverts, très calmes. On avait dit alentour : « Il est mort. » Quelqu’un avait ajouté : « Il est bien heureux maintenant. » – Et Simon voulait aussi se noyer parce qu’il n’avait pas de père, comme ce misérable qui n’avait pas d’argent. Il arriva tout près de l’eau et la regarda couler. Quelques poissons folâtraient, rapides, dans le courant clair, et, par moments, faisaient un petit bond et happaient des mouches voltigeant à la surface. Il cessa de pleurer pour les voir, car leur manège l’intéressait beaucoup. Mais, parfois, comme dans les accalmies d’une tempête passent tout à coup de grandes rafales de vent qui font craquer les arbres et se perdent à l’horizon, cette pensée lui revenait avec une douleur aiguë : – « Je vais me noyer parce que je n’ai point de papa. » Il faisait très chaud, très bon. Le doux soleil chauffait l’herbe. L’eau brillait comme un miroir. Et Simon avait des minutes de béatitude, de cet alanguissement qui suit les larmes, où il lui venait de grandes envies de s’endormir là, sur l’herbe, dans la chaleur. Une petite grenouille verte sauta sous ses pieds. Il essaya de la prendre. Elle lui échappa. Il la poursuivit et la manqua trois fois de suite. Enfin il la saisit par l’extrémité de ses pattes de derrière et il se mit à rire en voyant les efforts que faisait la bête pour s’échapper. Elle se ramassait sur ses grandes jambes, puis, d’une détente brusque, les allongeait subitement, roides comme deux barres ; tandis que, l’œil tout rond avec son cercle d’or, elle battait l’air de ses pattes de devant qui s’agitaient comme des mains. Cela lui rappela un joujou fait avec d’étroites planchettes de bois clouées en zigzag les unes sur les autres, qui, par un mouvement semblable, conduisaient l’exercice de petits soldats piqués dessus. Alors, il pensa à sa maison, puis à sa mère, et, pris d’une grande tristesse, il recommença à pleurer. Des frissons lui passaient 2. jeune femme.

3. qui avait eu un amant.

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Henri Jules Jean Geoffroy, (1853-1924) En retenue, Bibliothèque des Arts décoratifs, Paris. . . . . 160 . . . . 165 . . . . 170 . . . . 175 . . . . 180 . . . . 185 . . . . 190 .

dans les membres ; il se mit à genoux et récita sa prière comme avant de s’endormir. Mais il ne put l’achever, car des sanglots lui revinrent si pressés, si tumultueux, qu’ils l’envahirent tout entier. Il ne pensait plus ; il ne voyait plus rien autour de lui et il n’était occupé qu’à pleurer. Soudain, une lourde main s’appuya sur son épaule et une grosse voix lui demanda : « Qu’est-ce qui te fait donc tant de chagrin, mon bonhomme ? » Simon se retourna. Un grand ouvrier qui avait une barbe et des cheveux noirs tout frisés le regardait d’un air bon. Il répondit avec des larmes plein les yeux et plein la gorge : – Ils m’ont battu… parce que… je… je… n’ai pas… de papa… pas de papa… – Comment, dit l’homme en souriant, mais tout le monde en a un. L’enfant reprit péniblement au milieu des spasmes de son chagrin : « Moi… moi… je n’en ai pas. » Alors l’ouvrier devint grave ; il avait reconnu le fils de la Blanchotte, et, quoique nouveau dans le pays, il savait vaguement son histoire. – Allons, dit-il, console-toi, mon garçon, et viens-t-en avec moi chez ta maman. On t’en donnera… un papa. Ils se mirent en route, le grand tenant le petit par la main, et l’homme souriait de nouveau, car il n’était pas fâché de voir cette Blanchotte, qui était, contait-on, une des plus belles filles du pays ; et il se disait peut-être, au fond de sa pensée, qu’une jeunesse2 qui avait failli3 pouvait bien faillir encore. Ils arrivèrent devant une petite maison blanche, très propre. – C’est là, dit l’enfant, et il cria : « Maman ! » Une femme se montra, et l’ouvrier cessa brusquement de sourire, car il comprit tout de suite qu’on ne badinait4 plus avec cette grande fille pâle qui restait sévère sur sa porte, comme pour défendre à un homme le seuil de cette

4. plaisantait.

Séquence 1

u Nouvelles de Maupassant

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maison où elle avait été déjà trahie par un autre. Intimidé et sa casquette à la main, il balbutia : – Tenez, madame, je vous ramène votre petit garçon qui s’était perdu près de la rivière. Mais Simon sauta au cou de sa mère et lui dit en se remettant à pleurer : – Non, maman, j’ai voulu me noyer, parce que les autres m’ont battu… m’ont battu… parce que je n’ai pas de papa. Une rougeur cuisante couvrit les joues de la jeune femme, et, meurtrie jusqu’au fond de sa chair, elle embrassa son enfant avec violence pendant que des larmes rapides lui coulaient sur la figure. L’homme ému restait là, ne sachant comment partir. Mais Simon soudain courut vers lui et lui dit : – Voulez-vous être mon papa ? Un grand silence se fit. La Blanchotte, muette et torturée de honte, s’appuyait contre le mur, les deux mains sur son cœur. L’enfant, voyant qu’on ne lui répondait point, reprit : – Si vous ne voulez pas, je retournerai me noyer. L’ouvrier prit la chose en plaisanterie et répondit en riant : – Mais oui, je veux bien. – Comment est-ce que tu t’appelles, demanda alors l’enfant, pour que je réponde aux autres quand ils voudront savoir ton nom ? – Philippe, répondit l’homme. Simon se tut une seconde pour bien faire entrer ce nom-là dans sa tête, puis il tendit les bras, tout consolé, en disant : – Eh bien ! Philippe, tu es mon papa. L’ouvrier, l’enlevant de terre, l’embrassa brusquement sur les deux joues, puis il s’enfuit très vite à grandes enjambées. Quand l’enfant entra dans l’école, le lendemain, un rire méchant l’accueillit ; et à la sortie, lorsque le gars voulut recommencer, Simon lui jeta ces mots à la tête, comme il aurait fait d’une pierre : « Il s’appelle Philippe, mon papa. » Des hurlements de joie jaillirent de tous les côtés : – Philippe qui ?… Philippe quoi ?… Qu’est-ce que c’est que ça, Philippe ?… Où l’as-tu pris ton Philippe ? Simon ne répondit rien ; et, inébranlable dans sa foi, il les défiait de l’œil, prêt à se laisser martyriser plutôt que de fuir devant eux. Le maître d’école le délivra et il retourna chez sa mère. Pendant trois mois, le grand ouvrier Philippe passa souvent auprès de la maison de la Blanchotte et, quelquefois, il s’enhardissait à lui parler lorsqu’il la voyait cousant auprès de sa fenêtre. Elle lui répondait poliment, toujours grave, sans rire jamais avec lui, et sans le laisser entrer chez elle. Cependant, un peu fat, comme tous les hommes, il s’imagina qu’elle était souvent plus rouge que de coutume lorsqu’elle causait avec lui. Mais une réputation tombée est si pénible à refaire et demeure toujours si fragile, que, malgré la réserve ombrageuse de la Blanchotte, on jasait déjà dans le pays.

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FLORILÈGE

François Bonvin (1817-1887), Les Forgerons, souvenir du Tréport, 1857, Musée des Augustins, Toulouse. 250 . . . . 255 . . . . 260 . . . . 265 . . . . 270 . . . . 275 . . . . 280 . .

Quant à Simon, il aimait beaucoup son nouveau papa et se promenait avec lui presque tous les soirs, la journée finie. Il allait assidûment à l’école et passait au milieu de ses camarades fort digne, sans leur répondre jamais. Un jour, pourtant, le gars qui l’avait attaqué le premier lui dit : – Tu as menti, tu n’as pas un papa qui s’appelle Philippe. – Pourquoi ça ? demanda Simon très ému. Le gars se frottait les mains. Il reprit : – Parce que si tu en avais un, il serait le mari de ta maman. Simon se troubla devant la justesse de ce raisonnement, néanmoins il répondit : « C’est mon papa tout de même. » – Ça se peut bien, dit le gars en ricanant, mais ce n’est pas ton papa tout à fait. Le petit à la Blanchotte courba la tête et s’en alla rêveur du côté de la forge au père Loizon, où travaillait Philippe. Cette forge était comme ensevelie sous des arbres. Il y faisait très sombre ; seule, la lueur rouge d’un foyer formidable éclairait par grands reflets cinq forgerons aux bras nus qui frappaient sur leurs enclumes avec un terrible fracas. Ils se tenaient debout, enflammés comme des démons, les yeux fixés sur le fer ardent qu’ils torturaient ; et leur lourde pensée montait et retombait avec leurs marteaux. Simon entra sans être vu et alla tout doucement tirer son ami par la manche. Celui-ci se retourna. Soudain le travail s’interrompit, et tous les hommes regardèrent, très attentifs. Alors, au milieu de ce silence inaccoutumé, monta la petite voix frêle de Simon.

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– Dis donc, Philippe, le gars à la Michaude m’a conté tout à l’heure que tu n’étais pas mon papa tout à fait. – Pourquoi ça ? demanda l’ouvrier. L’enfant répondit avec toute sa naïveté : – Parce que tu n’es pas le mari de maman. Personne ne rit. Philippe resta debout, appuyant son front sur le dos de ses grosses mains que supportait le manche de son marteau dressé sur l’enclume. Il rêvait. Ses quatre compagnons le regardaient et, tout petit entre ces géants, Simon, anxieux, attendait. Tout à coup, un des forgerons, répondant à la pensée de tous, dit à Philippe : – C’est tout de même une bonne et brave fille que la Blanchotte, et vaillante et rangée malgré son malheur, et qui serait une digne femme pour un honnête homme. – Ça, c’est vrai, dirent les trois autres. L’ouvrier continua : – Est-ce sa faute, à cette fille, si elle a failli ? On lui avait promis mariage, et j’en connais plus d’une qu’on respecte bien aujourd’hui et qui en a fait tout autant. – Ça, c’est vrai, répondirent en chœur les trois hommes. Il reprit : « Ce qu’elle a peiné, la pauvre, pour élever son gars toute seule, et ce qu’elle a pleuré depuis qu’elle ne sort plus que pour aller à l’église, il n’y a que le bon Dieu qui le sait. » – C’est encore vrai, dirent les autres. Alors on n’entendit plus que le soufflet qui activait le feu du foyer. Philippe, brusquement, se pencha vers Simon : « Va dire à ta maman que j’irai lui parler ce soir. » Puis il poussa l’enfant dehors par les épaules. Il revint à son travail et, d’un seul coup, les cinq marteaux retombèrent ensemble sur les enclumes. Ils battirent ainsi le fer jusqu’à la nuit, forts, puissants, joyeux comme des marteaux satisfaits. Mais, de même que le bourdon5 d’une cathédrale résonne dans les jours de fête au-dessus du tintement des autres cloches, ainsi le marteau de Philippe, dominant le fracas des autres, s’abattait de seconde en seconde avec un vacarme assourdissant. Et lui, l’œil allumé, forgeait passionnément, debout dans les étincelles. Le ciel était plein d’étoiles quand il vint frapper à la porte de la Blanchotte. Il avait sa blouse des dimanches, une chemise fraîche et la barbe faite. La jeune femme se montra sur le seuil et lui dit d’un air peiné : « C’est mal de venir ainsi la nuit tombée, monsieur Philippe. » Il voulut répondre, balbutia et resta confus devant elle. Elle reprit : « Vous comprenez bien pourtant qu’il ne faut plus que l’on parle de moi. » Alors, lui, tout à coup : – Qu’est-ce que ça fait, dit-il, si vous voulez être ma femme ! Aucune voix ne lui répondit, mais il crut entendre dans l’ombre de la chambre le bruit d’un corps qui s’affaissait. Il entra bien vite ; et Simon, qui était couché dans son lit, distingua le son d’un baiser et quelques mots que sa mère murmurait bien bas. Puis, tout à coup, il se sentit enlevé dans les mains de son ami, et celui-ci, le tenant au bout de ses bras d’hercule, lui cria : – Tu leur diras, à tes camarades, que ton papa c’est Philippe Remy, le forgeron, et qu’il ira tirer les oreilles à tous ceux qui te feront du mal. Le lendemain, comme l’école était pleine et que la classe allait commencer, le petit Simon se leva, tout pâle et les lèvres tremblantes : « Mon papa, dit-il d’une voix claire, c’est Philippe Remy, le forgeron, et il a promis qu’il tirerait les oreilles à tous ceux qui me feraient du mal. » Cette fois, personne ne rit plus, car on le connaissait bien ce Philippe Remy, le forgeron, et c’était un papa, celui-là, dont tout le monde eût été fier.

៑ Biographies romancées

d’écrivains

Évelyne Morin-Rotureau, George Sand, coll. « Histoires d’elles », © Pemf.

Sarah Cohen-Scali, Arthur Rimbaud, le voleur de feu, © Livre de Poche Jeunesse.

Pierre Lepère, La Jeunesse de Molière, Folio Junior, © Gallimard Jeunesse.

Marie-Aude Murail, Dickens, coll. Belles Vies, © École des Loisirs.

Si vous deviez sélectionner trois éléments majeurs dans la vie de l’écrivain dont vous avez lu la biographie, que retiendriez-vous ?

Guy de Maupassant, Le Papa de Simon, 1879. 5. grosse cloche.

Séquence 1

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